Journal intime d’une maman en « guerre »

17/03/2020 – 1er jour du reste de ma vie : LA DECLARATION DE GUERRE

7730 cas confirmés, 175 décès

En confinement avec mes enfants, mon homme et un ami. Quand on m’a officiellement annoncé que je devais à présent rester chez moi, ce n’est pas un soulagement que j’ai d’abord ressenti, mais une profonde tristesse ; j’ai pris toute la mesure de la gravité de la situation. Hier soir en rentrant, ma priorité était de m’assurer du bien-être de toute ma famille, leur rappeler que j’étais là, et les entendre me dire la même chose me concernant. La famille ; le premier lien, le premier soutien … Sinon question occupation, en janvier nous avons acheté une nouvelle maison dans laquelle nous avons encore beaucoup de travaux ; détruire, restaurer, rebâtir, imaginer ensemble des possibles, passer du temps en famille à échafauder des hypothèses sur un idéal de vie dans ce nouvel espace … Sinon, rester connectée avec ma famille, mes amis, mon boulot et tous ceux qui se sentiraient en mal de solitude, via la technologie, qui pour une fois peut s’avérer profitable. Enfin, je vais persévérer dans ma relation virtuelle avec Facebook, en m’engageant à ne pas faire preuve de cynisme, pas de relais de fausses infos, pas de moquerie sur la façon dont chacun gère ses émotions face à cette situation, pas d’analyse à l’emporte-pièce des différents évènements annoncés sur la toile…j’ai pris la décision de ne partager que ce qui pourra être utile à la communauté d’êtres humains que nous formons dans la gestion de cette crise. Juste envie d’être un peu utile pour chacun de nous ! Merci aux personnes qui le sont au quotidien pour nous sortir de ce merdier ! Force et courage à ceux qui perdront quelque chose ou quelqu’un dans cette crise !

18/03/2020 – 2ème jour du reste de ma vie : ORGANISATION DU SIEGE

9134 cas confirmés, 264 décès

Il y a deux jours Emmanuel Macron nous annonçait avec solennité l’état de guerre contre l’épidémie. Nous avons pris des décisions en famille pour préparer l’état de siège ; Julien, un ami que nous hébergeons depuis plusieurs mois, Emilien et les enfants, resteront à Saint-Pierre-de-Varennes pour retaper la maison achetée. Je serais chargée de faire la navette entre notre maison actuelle et Saint-Pierre-de-Varennes, pour les ravitailler, faire leur lessive, relever le courrier, payer les traites, … Ils vivront le confinement à 100% et je serais la seule à me confronter au « monde extérieur » en prenant toutes les précautions possibles. Ce 18 mars, nous nous retrouvons tous à Saint-Pierre-de-Varennes pour installer le camp. Matelas et duvet, nourriture, affaire de toilettes, table de salle à manger improvisée sur des tréteaux, … Emilien, contre toute attente, décide de faire un feu pour brûler la paille débarrassée des granges et le vieux bois pourri qui envahissait l’étable. Il s’agite, se pose un instant, noyé dans la fumée épaisse qui se dégage du foyer, s’agite à nouveau pour le réalimenter, … sans un mot. Je suis assise dans l’herbe et je l’observe. Je le connais bien ; son statut d’homme de la maison est soudainement mis à l’épreuve dans une situation qu’il ne peut pas contrôler. Il s’inquiète pour moi, les enfants et sa famille restée au loin. Désemparé !

Etat de siège, en attendant le retour des hirondelles

19/03/2020 – 3ème jour du reste de ma vie : LA TREVE AVEC MES ADOS

10 995 cas confirmés, 372 personnes décédées depuis le début de l’épidémie

Je préssentais dans cette situation, que le plus difficile à gérer serait l’état émotionnel de mes deux enfants adolescents. Abreuvés de fake news sur les réseaux sociaux, ils m’ont à peu près sorti tous les arguments possibles pour pouvoir se dégager de la contrainte de l’enfermement ; « ça ne touche que les anciens », « c’est comme une grippe mais en plus fort ; ça se soigne », « c’est un complot, une manipulation des gouvernements », … Pour finalement exploser de colère : « c’est pas possible, je vais péter un câble », « je m’en fiche de mourir, je préfère vivre à fond ! », « je suis majeur, je fais ce que je veux ! », …

J’ai laissé passer le séisme de revendications et de leurs émotions, pour leur demander calmement : « je dois aller faire des courses. Est-ce que vous avez besoin de quelque chose de particulier, d’indispensable ? Dites-moi, car désormais, je ne pourrais pas y aller très souvent ! ». Leur réponse fut immédiate : « on va te faire une liste ! ».

La nourriture ça réconcilie toujours les esprits les plus rebelles !

Voici leur liste :

  • Du coca vanille,
  • deux paquets de bonbons,
  • des Kinder,
  • du sirop à la fraise

#laviecontinue

L’adolescence coincée entre le besoin de liberté et le devoir de raison

20/03/2020 – 4ème jour du reste de ma vie – LE BAL DES CADDIES

12 612 cas confirmés, 450 décès depuis le début de l’épidémie

Pour répondre aux besoins de premières nécessités (bonbons compris, car s’en est une pour mes enfants), je fais le choix d’éviter les grandes surfaces, lieux de gros rassemblements. Je dois me protéger, ma famille dépend aussi de mon état de santé, ainsi que d’autres personnes que je pourrais croiser. Mon homme inquiet me somme de m’affubler d’un masque adapté pour poncer le plâtre. Complètement inefficace dans la situation présente, j’accepte cependant, pour le rassurer. Je me rend dans le petit Carrefour Market d’Etang-sur-Arroux. Anxieuse, je me demande, avant de l’atteindre, si j’ai bien fait et s’il n’y aura pas trop de monde. Le parking est presque désert ; soulagement !

Les portes s’ouvrent sur le son du rappel des consignes de sécurité à prendre dans le cadre de l’épidémie. Le fond sonore musical que l’on retrouve dans tous les supermarchés me manquerait presque. A l’intérieur, cinq clients ; tous masqués et gantés. La caissière et le boucher ne portent aucune protection. Imperceptiblement, je sens que tout le monde évite de se croiser. Quand je m’engage dans une travée, celui ou celle qui se trouve face à moi, fait demi-tour, sans précipitation, en regardant derrière lui (elle), comme s’il (elle) s’était trompé(e) de rangée, comme s’il (elle) avait oublié de prendre un produit dans le couloir de marchandises précédent. C’est amusant et c’est gênant. Rien ne se lit sur ces visages masqués, du coup je me demande si chacun sourit comme moi de cette situation nouvelle et extraterrestre.

Rapidement, je constate que les rayons de produits de premières nécessités sont vides (farine, café, sucre, …). Les petites supérettes n’ont pas échappé à la « peur du manque ». Je ne flâne pas dans les rayons et je m’empresse de remplir mon caddie. Tous les clients que j’ai pu croiser n’avaient pas grand-chose dans le leur et à nouveau je me suis sentie embarrassée. Avec mon plein de courses, je devais passer pour une de ces personnes tant décriées sur les réseaux sociaux. Mais il me faut nourrir 5 adultes à la maison et j’ai prévu de tenir 15 jours pour ne pas avoir à y retourner plusieurs fois. C’est étrange tout ce qui se passe dans ma tête dans ce contexte, ce sentiment de culpabilité, cette inquiétude d’être jugée, … ; ça ne me ressemble pas !

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Du sucre comme argument de négociation pour respecter le confinement

 

21/03/2020 – 5ème jour du reste de ma vie – NEIGE PRINTANIÈRE SUR CHAMP DE BATAILLE

14 459 cas confirmés, 562 personnes décédées depuis le début de l’épidémie.

Les heures s’égrènent au rythme lent du confinement. Aujourd’hui, je parviens à analyser plus ou moins mon état émotionnel (comprendre, pour mieux gérer). Je suis coincée entre l’état d’urgence, lié à la situation de pandémie qu’il faut rapidement stopper, et l’immobilisme contraint. Noeud serré au coeur de mon estomac, symptôme de ce conflit intérieur ; il faut faire vite, en ne faisant rien. La sacro-sainte phrase « Je n’ai plus le temps » n’a plus aucun sens. Du temps, j’en ai à revendre, mais surtout à donner. Je suis en contact régulier par Messenger avec quelques amies ; nous échangeons des blagues, des recettes de cuisine, mais surtout sur la façon dont nous gérons ce quotidien confiné, dans l’urgence. Je propose aux volontaires de participer à l’écriture d’un journal de bord en m’envoyant un petit texte qui résume leur journée, accompagné d’une photo pour illustrer leur propos – Confinement ordinaire pour femmes d’exception. Elles se prêtent au jeu facilement; elles aussi ont besoin d’exprimer leur ressenti. Ça me fait du bien de faire du bien !

Hier soir avant d’aller me coucher, je me regarde dans le miroir. Ça non plus, ce n’est pas habituel. Je ne mets jamais beaucoup de temps à me préparer. Je suis quelqu’un qui est toujours resté simple, préférant passer plus de temps sur des choses qui me paraissent plus essentielles que mon image sociale. La seule véritable coquetterie que je m’accorde à 57 ans, c’est une coloration mensuelle. Ma gentille coiffeuse Pauline a dû fermer ses portes. Sur son paillasson, qui attend son retour, une trainée de neige à la racine de mes cheveux.  En sortant de la salle de bain, je croise le regard d’Emilien, mon compagnon. « Tu as vu ? C’est une catastrophe ! » en lui montrant mes racines blanches. Il me prend par la main et m’invite à m’assoir sur notre lit. Il s’éclipse pour revenir avec une brosse à cheveux et pendant de longues minutes, je sens son amour glissé sur ma chevelure.

Neige au printemps

22/03/2020 – 6ème jour du reste de ma vie – CONVERSATION TELEPHONIQUE DE CAMPAGNE

16 018 cas confirmés, 674 décès depuis le début de l’épidémie.

Moi : « Allô ! Devine qui c’est ? »
Maman : « C’est ma grande fille ! »
Moi : « Bravo, tu viens de gagner le droit de rejouer très bientôt! Comment vas-tu ? »
Maman : « Je vais bien! ne t’inquiète pas! Parles-moi plutôt de vous. »
Moi : « Tout va bien ici! Tu t’es organisée pour les courses, comme je te l’ai demandé ? »
Maman : « Oui! je me déplace le moins possible et je ne vais que dans les petits commerces, à Coustellet. Hier, je suis allée à la banque pour retirer un peu d’argent ! »
Moi : « Tu mets des gants ? Il faut mettre des gants ! »
Maman : « Oui et j’avais un masque aussi ; j’en ai trouvé un que j’avais acheté pour poncer un vieux meuble ! Hier, j’ai appelé la voisine pour prendre de ses nouvelles et elle m’a agressé. Elle m’a presque envoyé balader. »
Moi : « Ah oui ? Mais pourquoi ? Vous êtes amies toutes les deux non ? »
Maman : « Oui mais sa fille travaille à l’hôpital, et elle s’inquiète beaucoup pour elle ! Je pense qu’elle craque ! »
Moi : « Oui, ça doit être ça ! Il ne faut pas lui en vouloir. »
Maman : « Je ne lui en veut pas. Je comprends que ça doit être difficile à vivre ! Je vais attendre quelques jours et je la rappellerais ! »
Moi : « Oui, fais comme ça, c’est bien ! Dans cette situation, il faut prendre du recul, face au comportement de chacun. C’est compliqué de gérer ses émotions ! »
Maman : « J’ai voulu m’acheter du bois pour alimenter mon poêle, mais il n’y en avait plus! Tu te rends compte ? Du coup, j’ai rallumé le chauffage électrique, je me suis dit que ça n’avait pas d’importance. Ici, il fait beau, mais les soirées sont encore fraîches. Je me suis dit qu’avec les 300 euros que l’agence m’a remboursés pour l’annulation de mon voyage en Espagne, je pourrais payer cette dépense imprévue. Je ne suis pas partie, mais je retrouve la chaleur des douces soirées espagnoles en mettant le chauffage à la maison (rire partagé). Je pense que je vais me faire un cocktail et regarder un documentaire sur les plages espagnoles pour y être complètement ! (rire partagé).  Tu ris ma fille ?!, j’aime t’entendre rire ! Ça me fait du bien ! »
Moi : « Moi aussi, ça me fait du bien de rire avec toi ! Je t’aime maman ! »
Maman : « Moi aussi, je t’aime, on va s’en sortir ! »
Moi : « Oui maman, on va s’en sortir! »

Conversation téléphonique avec ma maman, 77 ans, qui vit seule dans le sud de la France, à 5h de route de chez moi.

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L’absence du père

23/03/2020 – 7ème jour du reste de ma vie – LA CANTOCHE DU MITARD DORÉ

19 856 cas confirmés, 860 décès

Globalement, mon confinement depuis une semaine, se situe dans la cuisine. Je n’arrête pas de cuisiner. Bourguignon, Blanquette, cake de toutes sortes, tartes aux légumes, poulet au miel, … ; des plats traditionnels dont les odeurs caractéristiques embaument la maison, pour le plus grand plaisir de mes compagnons de vie masculins. Ma créativité me fait également expérimenter des recettes de gâteaux, ce que je ne prends pas souvent le temps de faire en temps ordinaire. Ma dernière réalisation, sont des madeleines. Je choisi une recette sur le net et j’expérimente. Le souci pour une créative telle que moi, est que je n’applique jamais les consignes données à la lettre ; je diminue le dosage de sucre, j’augmente le volume de farine si je trouve la pâte trop liquide, je rajoute des zestes d’orange, je remplace le lait par un yaourt à la vanille., … Au final, c’est tout sauf des madeleines. Mes hommes rient de mes expériences, mais ne manquent jamais de me féliciter.

Après une semaine d’enfermement, j’ai le sentiment d’avoir passé un mois dans cette situation. Aujourd’hui, j’ai la sensation d’être plus angoissée par la privation de ma liberté, que de celle du danger qui se trouve dehors au contact des autres. Mais je ne vais pas me plaindre, n’est-ce pas ? Ce serait indécent ! On le rappelle chaque jour sur les réseaux sociaux (et c’est vrai!), il y a bien pire. Ce matin, j’ai commencé à écrire à une amie que je n’avais pas le moral, mais sur la seconde qui a précédé la publication de mon message, j’ai effacé ce dernier. Je n’ai pas le droit de me plaindre. Il faut patienter et s’armer de courage. Il faut tenir dans cette prison dorée aux parfums de blanquette de veau et de pâtisseries. Il y a pire comme situation !

Cette nuit, mon fils a toussé. Je ne l’ai pas entendu, c’est Julien, l’ami que nous hébergeons depuis un mois qui me l’a dit. Il a dormi jusqu’à 13h. Je tournais en rond dans la maison en attendant qu’il se réveille. Quand je l’ai entendu remuer dans sa chambre, je suis allée le voir, armée d’un thermomètre. Il m’a tout de suite dit que c’était ridicule et qu’il ne voulait pas prendre sa température. J’ai insisté, il a résisté. J’ai fini par lui dire ; « Si tu es vraiment malade, tu peux mettre ma vie en danger ! ». Il a tout de suite tendu la main pour s’exécuter. Il n’avait pas de fièvre. J’étais malade de lui avoir dit un truc pareil, mais je n’avais pas le choix.

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Mes madeleines de Proust, dans le souvenir de ma liberté

 

24/03/2020 – 8ème jour du reste de ma vie – LA GUERRE DES NERFS

22 300 cas confirmés, 1 100 décès depuis le début de l’épidémie.

Il faut que je décroche des réseaux sociaux, en ne me connectant qu’une seule fois par jour ! je n’arrive pas à maîtriser mon besoin d’aller sur les réseaux sociaux. L’enfermement crée le besoin, le besoin crée « l’enfermement ». Je parviens encore à faire le tri des infos en me fiant uniquement aux sources fiables, mais le plus difficile est de lire parmi elles, les posts de personnels encore en activité qui font état de leurs pitoyables conditions de travail. J’ai lu plusieurs publications d’infirmières, de routiers, d’agents du service public, … qui étaient plus qu’agressifs ; j’ai senti à quel point, ces personnes étaient « à bout » et ça fait mal ! Les mamans dépassées pour répondre aux exigences de l’Education Nationale, des personnes célibataires qui affichent la souffrance de leur solitude, … Quoi que je dise ou pense, rien ne changera leur situation, car je ne peux rien faire de là où je me trouve. Des soignants disaient que les applaudissements au balcon ne les touchaient plus. Ils attendent seulement qu’on leur donne du matériel et que les gens restent cloitrés chez eux. Je les comprends et je m’applique à faire cela. Question de responsabilité !

Je suis en relation régulière avec mes collègues de travail ; à chaque connexion, nous tentons d’organiser comme nous le pouvons l’après-Coronavirus. La question récurrente pour chacune des actions prévues ; « tu crois qu’on sera sorti de l’épidémie d’ici là ? »

Et toutes ces petites et moyennes entreprises qui risquent de déposer le bilan,

ces politiciens qui préparent consciencieusement la sortie de la crise avec un projet qui remettrait en question (une fois de plus), nos acquis sociaux,

se poser la question à chaque fois que l’on doit sortir : « et si je croisais quelqu’un porteur du virus ? »,

s’affoler dès qu’un de tes proches se met à tousser et l’obliger à prendre sa température,

pas savoir quel jour on est, manger à pas d’heure, parce que tu regardes plus l’heure,

mon chien qui pisse dans la maison parce que j’ai oublié de le sortir,

même pas capable de suivre une recette de pâtisserie correctement, …

La guerre des nerfs continue !

Restons digne, joyeux, fort, plein d’amour !!!

Le magnolia est en fleur dans le jardin.                                                                                        Symbole de force, de pureté, d’amour, de gaieté et de dignité.

 

25/03/2020 – 9ème jour du reste de ma vie – LES ENFANTS D’ABORD

25 233 cas confirmés, 1 331 décès depuis le début de l’épidémie.

Emilien a reçu un appel de son ex-femme. Anaya, leur fille de 6 ans, est en pleurs et s’inquiète pour nous, elle a peur qu’on tombe malade et qu’on meurt. Dans sa petite vie d’enfant innocente, elle prend toute la mesure du danger que peut représenter cette épidémie. Sans doute abreuvée de trop d’informations toxiques pour son jeune âge, subissant la tension d’une situation extraordinaire, Anaya pleure toutes les larmes de son corps ; je l’entends du portable de son père, pourtant collé à son oreille. Emilien est ému aux larmes. Il me regarde et me demande ce qu’il doit faire. Mon homme, à nouveau désarmé. Sans attendre ma réponse, il subtilise un paquet de sucettes aux garçons et enfourche sa moto pour aller la voir. À son retour, il m’indique que sa fille est rassurée, qu’il n’a pas pu l’embrasser, mais qu’elle est rassurée…

Je me souviens d’un moment partagé avec elle au sujet de la mort. Une personne de l’entourage de sa maman venait de décéder. Elle m’en parlait alors avec un certain détachement ; « et voilà ! Maintenant elle est morte et elle se retrouve dans le ciel avec tous les autres ! Elle n’a plus mal, elle est toute légère. Elle s’est envolée dans les nuages et elle joue avec d’autres enfants ! ». Des phrases réconfortantes que l’on dispense à nos plus jeunes enfants pour expliquer la disparition d’une personne.

C’est promis Anaya, ton papa ne jouera pas avec d’autres enfants que toi!

Anaya et son papa, avant l’épidémie

26/03/2020 – 10ème jour du reste de ma vie – LE REPOS DU GUERRIER

29 155 cas confirmés, 1 696 décès depuis le début de l’épidémie

Aujourd’hui, j’ai passé du temps dehors, en compagnie de Max. Ça m’a fait du bien de l’observer en essayant de ne penser à rien d’autre.

Dans cette situation particulière, notre compagnon de voyage est le meilleur antidépresseur possible. Chacun des membres de la famille vient puiser dans sa gentillesse pour se ressourcer. Rayan, mon fils de 18 ans, est très complice avec lui. Un peu narcissique, il trouve en lui, celui qui se pliera à toutes ses demandes. Notre chien est toujours en activité avec lui, toujours à l’affut de ses moindres gestes et appels. Zinédine, 19 ans, est plus distant avec Max. Il ne le caresse quasiment jamais, mais va s’adresser à lui, en lui parlant comme à un de ses congénères. Quand il se pose des questions sur son existence d’adolescent, il finit presque toujours son discours en le regardant et en lui demandant : « Qu’est-ce que tu en penses Maxou ? » … Max, s’assoit devant lui, et le regarde longuement, jusqu’à ce que mon fils le lâche du regard. Emilien est « le chef de meute » ; il est respecté et s’il intime un ordre, quoi qu’il fasse, il obtempère immédiatement. Entre eux, il existe une relation très particulière. Ils jouent beaucoup ensemble. Le soir uniquement et après le repas ! Quand à moi, je suis la mère nourricière … Quand je cuisine, il est toujours près de moi. Quand je suis fatiguée, il se couche près de moi. Quand je ne vais pas bien, nous partons tous les deux dans la nature, et je passe du temps, assise dans l’herbe à le regarder gambader !

Je sens qu’il a changé de comportement depuis le confinement ; plus proche de nous, ne s’éloignant pas longtemps, plus sensible à nos humeurs. Il ne réclame pas plus d’attention que d’habitude (peut-être même moins), mais il est là, présent à nos côtés et c’est un membre de la famille indispensable à notre équilibre …

 

27/03/2020 – 11ème jour du reste de ma vie – IL N’Y AURA PAS DE CHAMP D’HONNEUR

32 964 cas confirmés et 1 995 décès

Dans le fil de mon actualité, sur les réseaux sociaux, le virus prend soudain la forme d’un visage, d’une identité, d’un visage, d’une identité, d’un visage, d’une identité …

Sur le champ de bataille, des soldats inconnus, nous font l’aveu coupable, de la morsure brûlante du virus dans leur chair. Ils témoignent de leur sort, nous suppliant de tous combattre ce mortel ennemi. Braves petits soldats, sur le champ de bataille, tous restent dignes et courageux ! Pas de larmes, mais un cri, pas d’apitoiement, mais de la stupeur dans leurs yeux !

Dans le fil de mon actualité, sur les réseaux sociaux, l’annonce des morts tombés au front, aussi ; un parent, un grand-parent, un fils, … que quelques-uns connaissent, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.

Sur le champ de bataille, nul champ d’honneur, mais de la peur, des pleurs et de la souffrance, pour ceux qui resteront, de ceux qui se souviendront  longtemps !

Sur le champ de bataille, pas de héros sous le feu des canons ; des soldats anonymes, contaminés ou morts dans l’oubli, dans le silence, noyés dans les chiffres quotidiens rapportés par nos chefs de guerre. Surtout les vieux soldats, ceux qu’on voit partir en se disant : »avec un peu d’aubaine, ce seront les seuls à tomber! » Ceux-là, n’ont pas de visage, mais une voix, celle de leurs proches sur les réseaux sociaux. On ne les connaît pas, mais on leur dit adieu. Frères d’arme, ils sont restés chez eux, comme nous ! Ceux-là  partiront seuls pour la fin du voyage, et n’auront pas de stèle  « Soldat mort au combat »!

Sur le champ de bataille, d’autres braves nous murmurent : « prenez ici ma vie, je vous en fais don ! » Soignants, routiers, caissières, … tous nous murmurent : « si la mort m’emportait, comme mes camarades, ou bien tous ces malades, veillez sur ma famille et tous les gens que j’aime, et rendez si possible mon sacrifice fécond. Restez chez vous et prenez soin de vous ! ».

Gouvernants, tout pays confondus, laisserez-vous longtemps,  nos cris se fondre dans la nuit ? Qu’adviendra-t-il de nous, soldats anonymes ? Quel sort réservez-vous, à ceux qui survivront ?

Soldats de fortune, blessés, mourants, combattants, le jour se lèvera sur la verte prairie. Résonnera alors – peut-être – le chant d’une autre guerre, contre un autre ennemi !

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28/03/2020 – 12 ème jour du reste de ma vie – POUR UNE AUTRE EPIDEMIE

37 575 cas confirmés, 2 314 décès, depuis le début de l’épidémie en France

Des milliers et des milliers de petites secondes d’éternité

dans un baiser de toi !

Cuillère qui tinte dans sa tasse,
coup d’éponge sur table basse,
fenêtres ouvertes sur campagne,
les oiseaux nous accompagnent,

sur un baiser de toi !

Trouvant mon double dans le miroir,
il rappelle toujours à ma mémoire,
que le temps passe,
mais que tout se dépasse,

Pour un baiser de toi !

Tes mains m’encerclent,
nouvel habitacle,
docile, menton tendu,
sur récompense attendue ;

Un baiser de toi !

Chambre muette sur draps froissés,
souvenirs de nos corps caressés,
Poursuivi, tu me suis,
Je m’échappe, tu m’attrapes,

Pour un baiser de toi !

Journée déroulant son tapis,
sur jeu de chat et de souri,
l’épidémie entre en moi,
toute entière aux abois,

Pour un baiser de toi !

Pandémie oubliée,
accalmie retrouvée,
insouciance gagnée,
parfum d’amour acidulé,

dans un baiser de toi !

Des milliers et des milliers de petites secondes d’éternité …

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Acalmie retrouvée, dans un baiser de toi !

 

29/03/2020 – 13 ème jour du reste de ma vie – TEMPS DE GUERRE

40 174 cas confirmés, 2 606 décès depuis le début de l’épidémie.

Étrangement, depuis le confinement, je me sens de plus en plus détachée du temps qui passe. La notion de temps était quelque chose de fondamentale dans ma vie ; « être à l’heure », « être en retard », « le sentiment de la vitesse du temps qui passe trop vite ou trop lentement », « rattraper le temps », « gagner du temps » « prendre le temps », « perdre du temps »,…  Ce qui a fondamentalement changé en moi, c’est mon rapport au temps.

Vendredi soir, il était 18h00, quand je reçois un SMS de ma direction pour me donner des nouvelles directives sur un dossier à traiter ; étonnamment, celle-ci ne précise pas le degré d’urgence de celui-ci. Avec mes collègues, nous avons créé un groupe sur Messenger, pour bosser ensemble sur les affaires à traiter. 18h45, je leur envoie un message pour faire le point sur la situation et leur demander comment nous pouvons nous organiser ensemble pour répondre à la demande. Au moment où je publie mon post, je prends conscience de l’heure et me dis qu’en temps ordinaire, les collègues ne travaillent plus et sont rentrés chez eux. Je souris intérieurement et m’apprête à fermer la messagerie. Instantanément, tous me répondent, suggérant différentes façons dont nous pourrions régler la situation. Je souris intérieurement en me disant que tous, sont comme moi à cet instant ; la notion de temps est indéniablement différente dans cette situation extraordinaire. L’un d’entre eux, le dernier à me répondre, fait une nouvelle proposition; il propose de prendre en charge le dossier intégralement car c’est lui qui a le plus d’éléments en sa possession pour le régler. Il termine son message en indiquant : »je m’en occupe lundi, après le week-end ! ». Si cela avait été mon cas, je pense que j’aurais réglé le problème dans la foulée. Mes propos n’ont pas vocation à culpabiliser cette personne, mais à pointer le rapport que chacun d’entre nous, entretien avec la temporalité.

Me concernant, la notion de temps n’existe quasiment plus. Elle n’est plus rythmée par les week-ends, les dates et les horaires ; quelquefois, ma famille me demande, quel jour ou quelle heure il est. Je suis incapable de leur répondre, sans avoir préalablement regardé sur mon portable. Nous mangeons quand nous avons faim, nous nous couchons quand nous avons sommeil, nous nous levons quand nous nous sommes suffisamment reposés. Nous ne sommes pas non plus complètement décalés, nous ne vivons pas la nuit, pour dormir le jour. Le soir, je laisse le volet entre ouvert et c’est le levé du jour qui rythme le début de la journée avec l’apparition de la lumière. Nous faisons beaucoup d’activités physiques avec les travaux de la nouvelle maison ; nous sommes donc tous très fatigués en fin de journée et notre corps nous invite au repos. De la même façon, la question de l’échéance des travaux pour nous installer, n’a pas la même résonance qu’en temps ordinaire. Après un temps de pause autour d’un café partagé, il nous arrive fréquemment de nous retrouver tous ensemble dans le pré, derrière la maison pour contempler la nature, sans un mot.  Nous nous écoutons davantage. Nos existences ne sont plus dépendantes du temps, mais répondent uniquement à des besoins qui sont essentiellement biologiques.

Autrefois, dans les villages, il y avait un rapport au temps qui était collectif ; chacun se levait aux aurores et allait aux travaux des champs ensemble. Les journées étaient rythmées par la nature. Tous se connaissaient, se rendaient des services, organisaient des veillées. Aujourd’hui, chacun gère son temps de façon individuelle, à un rythme différent. Cette situation rend plus difficile la création et l’entretien d’un lien social authentique. La relation se développe principalement de façon virtuelle, par le biais des réseaux sociaux.

Le temps est un baromètre de notre relation aux autres, mais aussi de notre rapport à la mort.  Ce que nous vivons témoigne, selon moi, d’une sorte de mutation fondamentale concernant notre expérience au temps . La situation que nous traversons est forcément liée à une temporalité, à une expérience temporelle, avec un début, un milieu et une fin. Mais grâce à elle, je prends conscience que l’essentiel n’est peut-être pas là : je me dis que cette expérience inédite, d’ordre existentiel (à bien des niveaux) est à la fois intellectuelle et affective. Les questions sur l’anticipation du futur, sur la place de l’homme dans le monde comportent une part d’impondérables que nous ne pouvons pas maîtriser, parce que nous n’y sommes pas préparés.  Aujourd’hui, dans la situation que nous traversons, avec ses tragédies, concernant « l’après », je me dis que si je pouvais choisir une nouvelle orientation pour le monde, ce serait de tous nous installer dans la brèche de cette nouvelle expérience temporelle, plutôt que de retourner dans la cage dans laquelle nous nous sommes enfermées.

Ce confinement nous dépossède de nos habitudes,  modifie le rythme de notre vie et nos modes de consommation, de notre liberté d’aller et venir. Mais il a le mérite de nous faire prendre conscience, de l’importance qu’il y aura à changer nos comportements, notre rapport au temps.

Quand la nature nous dicte notre rapport au temps

30/03/2020 – 14 ème jour du reste de ma vie – LA STRATÉGIE DU REPLI

44 450 cas confirmés et 3 024 personnes décédées à l’hôpital depuis le début de l’épidémie.

Les photos de visages d’enfants d’un autre temps, se multiplient sur les réseaux sociaux. Partant d’un simple défi lancé entre internautes, je n’ai jamais vu autant de personnes acceptant d’y répondre en si peu de temps (sauf, peut-être, pour « Je suis Charlie »). Moi-même, je me suis prêtée au jeu. L’apparition des traces de toutes ces enfances perdues m’a profondément touché.

Dans nos vies, il y a des moments clés pour nous rappeler l’enfant que nous étions, tels que nos anniversaires, la naissance de nos enfants, ou encore les fêtes de Noël. Mais il y a aussi, ces traversées du désert où nous perdons pied, et où pour nous rassurer, nous nous remémorons l’enfance dans les bras protecteurs du sein familial. Se pencher sur l’histoire de notre enfance, cela peut évoquer en nous quelque chose de douloureux ou de très doux. Quel qu’il soit, heureux ou malheureux, le passé est toujours un espace dans lequel on se reconnaît, une bulle rassurante.

Autant de souvenirs de l’enfance, autant de « jardins secrets » dans lesquels nous pouvons nous retrancher, nous réfugier, nous blottir, … Chacun de nous convoque le passé dans le présent, en fonction d’une projection dans le futur. Tout le monde ne lit pas de la même manière l’histoire : elle résonne différemment selon le parcours de vie de chacun et selon le moment de la vie où la lecture se réalise.

Ces images témoignent aussi d’une certaine conformité à des idéaux culturels : mener une vie confortable, être heureux en famille, avoir une vie sociale agréable. Les photographies familiales retracent rarement des évènements douloureux ; dans cette construction – ou cette reconstitution – de la vie, il n’y a pas de place pour la maladie, la dépression, les expériences douloureuses, les conflits interpersonnels, les déceptions, les échecs sociaux,… En un sens, les photos de famille et en particulier celles de l’enfance, proposent des réponses à des questions telles que : qu’est-ce qui est bon dans la vie et l’existence humaine ? Comment la vie doit-elle être vécue et à quoi doit-elle ressembler ? Quelles personnes et quels événements, lieux, moments méritent une attention particulière ?

Cette multitude d’images, résurgence de l’enfance, donne à l’espace virtuelle une dimension nouvelle. Ce jour-là, sur les réseaux sociaux, beaucoup d’entre nous ont installé le rêve d’un retour dans la réalité de notre âme d’enfants ; un climat de de douceur, d’insouciance, de sérénité, de parfum d’éternité, …

Merci pour ça !

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31/03/2020 – 15 ème jour du reste de ma vie – MON QUARTIER GENERAL

52 128 cas confirmés et 3 523 personnes décédées à l’hôpital depuis le début de l’épidémie

Comme beaucoup de Français, je bosse à la maison en télétravail. Régulièrement, je suis en contact avec mes collègues pour organiser le travail courant à effectuer. Avec le prolongement du confinement et les incertitudes quant à sa durée, nous sommes obligés d’anticiper sur plusieurs stratégies à mettre en place pour être prêts, le jour de la sortie. Toutes les hypothèses sont avancées. Les plans A, B, voire C sont élaborés, ce qui nous demande deux fois plus de travail. Nos échanges sont régulièrement ponctués de : « Ok pour le plan B, si le confinement devait durer, mais faut quand même rester optimiste, n’est ce pas? ». La question n’est pas d’être ou de ne pas être optimiste, la question est d’être prêts à toute éventualité.

Dans le contexte actuel, tout est remis en question. Nos habitudes de travail sont bousculées, la façon de le gérer, de l’anticiper, de le préparer, de l’envisager dans sa mise en place.  Nous devons réinventer notre approche, nos façons de faire. Remplacer la performance par l’efficacité, privilégier le savoir-être en gardant la tête froide, se poser les bonnes questions, élaborer différentes stratégies, … tout en gérant l’impact émotionnel que nous subissons. Pas simple, mais pas insurmontable, car l’esprit d’équipe et la solidarité se sont renforcés, sans compter la place plus grande donnée à l’humour …

Discussion entre collègues après le confinement :

–  « T’es pas au courant ? notre chef est mort du coronavirus pendant le confinement ! »
– « Oui, j’ai reçu le faire-part de décès : C’est triste ! Mais qui est l’autre personne décédée? »
–  « L’autre personne ? »
– « Ben, oui. Sur le faire-part il était écrit : « Avec lui disparaît notre meilleur collaborateur».

Petite blagounette de ma maman, 77 ans, lors de notre dernier coup de fil, quand je lui parlait du boulot. Elle riait toute seule, car je suis très mauvais public concernant les blagues !

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Mon quartier général

01/04/2020 – 16 ème jour du reste de ma vie – LA SALLE D’ATTENTE DE NOS INCERTITUDES

56 989 cas confirmés, 4032 décès.

Dans la salle d’attente de nos émotions, nous nous observons, sans vraiment nous surprendre. Chacun de nous se singularise, dans une situation qui nous invite à nous connaître davantage.

Il est convenu de ne pas sortir durant ce beau printemps. Notre condition aurait pu paraître un drame cauchemardesque, lisse et froid, presque comique, mais c’est un bien nécessaire. La raison mêlée aux sentiments, peut parfois sembler prendre l’aspect d’un accident heureux.  Depuis que nous avons pris congé de la nature, le dehors ressemble de plus en plus à lui-même. Un mirage. C’est beau à pleurer.

Dans la salle d’attente dont nous sommes tous le propre gardien,  pour passer l’interminable de nos jours et de nos nuits, nous conversons avec nos fantômes, que d’autres auraient appelé « conscience ». Ils nous rappellent que certains hommes superposent les images du monde, pour nous cacher la vérité. Ils nous chuchotent aussi qu’autrefois, dehors, chacun de nous criait : « Suivez-moi, je suis perdu(e) ! »… Dans la salle d’attente de nos questionnements, nos pas tournent en rond sur les mensonges du monde. Notre réclusion forcée, prend soudain le goût amer des erreurs du passé.

Blotties les unes contre les autres, nos heures de solitude, s’appliquent à garder leurs propres souvenirs des choses du dehors. Nous prenons part au silence de la cloche de l’église, qui autrefois rythmait les heures de la journée,  mais aussi du temps où il faudra affronter la foule sortit de la salle d’attente. Nous nous questionnons, si nous parviendrons à survivre dans cette nouvelle réalité.

Nous pensons à tous les enfants courant dans le printemps libéré. Tout est dit dans l’image des enfants qui courent. Nous savons qu’une fois dehors, le monde nous apparaîtra sous un jour nouveau ; les morts pourront être enterrés et les vivants avoir une seconde chance.

Dans la salle d’attente de nos incertitudes, chacun nourrit l’espoir d’une proche guérison. »Prenez soin de vous ! » prend l’allure d’un avertissement. « Restez chez vous! » nous intime le devoir de rester vivants.

Malade de solitude, le monde attend sa délivrance, tandis que dehors chantent les premières hirondelles. Dans la salle d’attente de nos émotions, viendra le temps du premier rendez-vous !

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02/04/2020 – 17 ème jour du reste de ma vie – 3 ANS, SANS NOUS !

  • 59 105 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 4 503 personnes sont décédées à l’hôpital depuis le 1er mars.
  • 12 488 personnes sont sorties guéris de l’hôpital depuis le 1er mars.

Aujourd’hui c’était l’anniversaire de ma petite Chloé, ma petite-fille, qui a désormais 3 ans. Le 6 avril, nous fêterons les anniversaires de mon fils Zinédine et d’Émilien, qui sont nés le même jour. En temps ordinaire, nous aurions partagé ces trois évènements en famille, comme chaque année. Je l’ai appelé en visio ; mon fils l’avait prise sur ses genoux. Il avait l’air fatigué et Chloé se débattait pour descendre à terre, malgré mes sollicitations. Ce ne serait manifestement pas une belle journée aujourd’hui. Nous échangeons quelques nouvelles, quand j’entends Chloé me crier, hors champ : « Je t’aime Mamika ! ». Cela suffira pour remplir ma journée d’un peu de soleil.

Comme chaque jour, nous avons passé la journée à faire des travaux sur notre future maison. Émilien sur le toit et moi au ponçage de vieilles portes, avec l’aide ponctuelle de mon amoureux. Pas vraiment manuelle, ces activités me font du bien en ce moment ; elle me vide la tête. Nous mettons beaucoup d’énergie et d’amour dans la rénovation de cette ferme ; nous sommes des bâtisseurs. Émilien est très fier du travail accompli chaque jour, dans « notre chez nous ! ». Dans la situation actuelle, ce travail prends tout son sens ; un nouveau lieu pour se mettre à l’abri, où nous nous sentons bien, un lieu d’accueil aussi, où nos amis et la famille auront plaisir à venir.

Mon fils, est malade en ce moment ; il tousse beaucoup (bronchite) mais n’a pas de fièvre. Je n’aime pas le savoir comme ça, mais je ne suis pas inquiète; mon fils est fort et il devrait vite récupérer.

La journée passe ainsi, tranquillement, au rythme du son alterné de la ponceuse et du chant des oiseaux. Le soir, je ferais un gâteau au chocolat, que nous mangerons demain, pour fêter l’anniversaire de notre princesse Chloé !

03/04/2020 – 18 ème jour du reste de ma vie – LE BRAVE AURA 20 ANS

  • 64 338 cas confirmés 
  • 5 901 décès 
  • 14 008 personnes sont sorties guéris de l’hôpital depuis le 1er mars.

Lui : « Man, lundi j’aurais 20 ans ! »
Moi : « Oui, je suis au courant ! » (sourire)
Lui : « Y a pas moyen d’aller manger au kebab avec mes potes ? »
Moi : « Tu sais bien que non et si ça peut te consoler, les restaus sont tous fermés pendant le confinement ! »
Lui : (soupir) « C’est lourd cette situation ! »
Moi : « Je suis d’accord avec toi ! »
Lui : « Je suppose que je ne peux pas non plus, leur dire de passer vite fait ? »
Moi : « Non, je suis sincèrement désolée ! »
Lui : « C’est lourd ! »
Moi : « Oui, je sais et je comprends que ce soit difficile pour toi ! »
Lui : « Putain, mais je vais avoir 20 ans bordel ! »
Moi : « Tes 20 ans seront toujours là, à la fin du confinement. Tu pourras toujours faire une fête avec eux si tu le souhaites ! »
Lui : « Oui, mais c’est pas pareil ! Mais qu’est-ce qu’ils foutent là-haut ? Ça leur suffit pas 6000 morts ? C’est comme si on t’obligeait à participer à une guerre, sans te donner les armes qui vont avec ! Je suis pas kamikaze moi ! »
Moi : « Il faut être patient, ça va s’arranger ! »
Lui : « C’est lourd ! »
Moi : « Tu l’as déjà dit mon chéri! Essaye de passer à autre chose ! »
Lui : « J’étouffe ! comment tu veux passer à autre chose. On est en plein dedans ! »
Moi : « Ben, je sais pas moi ! Ça te dit de faire des crêpes ? »
Lui : « … »
Moi : « Tu peux sortir la bouteille de lait, s’il te plaît ? »
Lui : (soupir) « C’est lourd ! »
Moi : « … »
Lui : « Bon ok man, on va faire des crêpes ! »
Moi : « Merci ! »
Lui : « Et lundi, on va tout déchirer pour mes 20 ans ! »
Moi : « Tu peux compter sur ta famille ! »
Lui : « Oui man ! Ça je le sais ! … Merci man ! »

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Zinédine et ses presque 20 ans

04/04/2020 – 19 ème jour du reste de ma vie – ESPRIT DE CORPS 

  • 70 478 cas confirmés
  • 5 889 décès
  • 16 183 personnes sont sorties guéris de l’hôpital depuis le 1er mars.

Cette semaine je suis restée confinée avec mon fils. Malade, je ne voulais pas l’exposer aux courants d’air. Chaque jour, il m’a réveillé en m’apportant un café au lit. Ce matin, il m’a dit : »on pourrait faire notre vie ensemble maman ! tu ne trouves pas que je m’occupe bien de toi ? ». C’était touchant, même s’il s’est mis à rire.

Mon fils allant mieux, nous sommes allés rejoindre Julien et Emilien dans notre future maison. Comme à mon habitude, je me suis chargée de ranger le chantier, mais j’ai aussi taillé certains arbustes, et enlever le lierre qui grimpait sur les murs. Il faisait chaud ; c’était agréable ! J’ai terminé mon après-midi de labeur en aidant mon fils à ranger de vieilles tuiles enlevés du toit qu’Emilien est en train de refaire.

Nous sommes partis tous ensemble à Broye ; les garçons se reposeront de leur semaine de travail. Nous avons cuisiné jusqu’à minuit avec Julien pour préparer le repas d’anniversaire d’Emilien et de Zinédine (mon fils). Au menu, Gougères, cabillaud au beurre blanc et un Paris-Brest. Qu’est-ce qu’on a pu rire avec la poche à douille qui n’arrêtait pas d’exploser. Il faut dire que cette préparation était bien arrosée d’un Pommard très sympathique.

Les choses simples, quand elles sont partagées …

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05/04/2020 – 20 ème jour du reste de ma vie – LA GESTION DES CONFLITS INTÉRIEURS

  • 74 390 cas confirmés
  • 6 494 décès
  • 17 250 personnes sont sorties guéris de l’hôpital depuis le 1er mars.

Il ne faudrait sans doute qu’une seule nuit pour raconter mon histoire, alors que j’aurais mis 57 ans à la vivre. Les mauvais souvenirs s’évanouissent, voire s’effacent peu à peu. Une vie peut-être résumée par n’importe quel journaliste en deux ou trois articles, et même après des années de recherches, un biographe ne produira qu’un livre que nous lirons en une ou deux semaines.

Si je devais expliquer comment j’ai géré les moments difficiles de ma vie, tels que ce que nous traversons, je le ferais un peu, comme on le ferait en montrant une photographie …

Si je devais choisir une de ces photographies, ce serait celle d’Émilien, mon compagnon. S’il n’a pas été présent tout au long de mon parcours, je peux dire qu’en tout cas, il résume à lui seul, toutes mes attentes concernant un partenaire de vie. Dans les batailles que j’ai pu traverser, j’ai toujours tenté de les gérer avec calme, sans jamais fuir, mais toujours avec beaucoup de stress. En faisant des erreurs aussi, parfois. Emilien est la personne qui sait prendre ses responsabilités et être là, quand il le faut. Il sait tempérer avec douceur, poser les choses avec recul et calme, élaborer des stratégies pour se sortir de situations délicates, m’accompagner dans la résolution de problèmes, me rassurer…

Émilien, mon homme, mon grand amour!

06/04/2020 – 21 ème jour du reste de ma vie – LA RELIGIEUSE DE BREST ; UNE TUERIE!

  • 74 390 cas confirmés
  • 6 494 décès
  • 17 250 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

 

07/04/2020 – 22 ème jour du reste de ma vie – OPÉRATION COUP DE POING

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 74 390 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 6 494 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 17 250 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Actuellement en télétravail, comme beaucoup, j’ai passé ces derniers jours dans une sorte de « tempête ».

Missionnée pour coordonner la fabrication de 21 000 masques, destinés à protéger les habitants d’une ville, avec le soutien de couturières volontaires … OUF ! Je n’aurais jamais cru pouvoir faire ce job. Et pourtant, les candidates affluent et sont même reconnaissantes qu’on leur donne cette tâche à réaliser pour le bien de tous.

Sur le net, j’ai trouvé 5 conseils pour assurer son job à la maison, dont voici les grandes lignes :

1. (Ré)aménager son espace

Dans le cadre du télétravail, il n’y a pas de frontière entre les espaces de travail et de vie privée. Il me faudrait en quelque sorte la créer.

Me concernant, sur ce point j’ai complètement failli. J’ai la chance de bosser dans un grand espace, qui ne me sert que de bureau. C’est un lieu agréable, très lumineux et qui est doté d’un grand canapé hyper confortable, que tout le monde s’arrache à la maison. Sauf à déplacer cet immense canapé qui ne peut passer que par la fenêtre du premier étage, je ne pourrais pas « me débarrasser » des allers et venues de ma famille, qui trouve le moindre prétexte pour venir me rendre visite et s’imposer en me disant : »Non, mais tu fais comme si je n’étais pas là! ». Et puis, ils ont besoin de moi …

2. Trouver d’autres moyens de « sortir »

En ces temps où mettre le nez dehors doit être réservé à des occasions précises et réglementées, il faut trouver d’autres moyens de s’oxygéner.  La respiration est aussi une aide précieuse au moment où l’esprit peut arriver à saturation devant un écran d’ordinateur. Impossible depuis deux jours ; le téléphone sonne en permanence et mon travail actuel consiste à répondre à une urgence sanitaire.

3. Prendre soin de son physique, exercer sa respiration

Faire des exercices, se lever et marcher sont autant d’exercices à faire afin de ménager une colonne vertébrale sollicitée et qui pourrait souffrir du confinement. Dans les faits, je n’ai pas quitté ma chaise de bureau de 8h à 20h ! J’ai bossé en pyjama, pas douchée, pas mangée.

4. Garder une véritable routine

En effet, travailler depuis chez soi demande de séparer les activités. Pour ce faire, il faut « garder ses routines habituelles », indique les psychologues. Ils préconisent de « ne pas rester en pyjama, établir une liste des choses à faire, mettre en place des horaires de début et de fin de journée de travail, et également garder des contacts téléphoniques avec ses collègues ».

Bref ! Voilà quoi … depuis que j’ai été missionnée pour cette nouvelle opération, la routine de ma vie, c’est le téléphone et les mails.

5. Avoir des activités extra-professionnelles

Une fois les tâches professionnelles accomplies, nous sommes censés commencer par déconnecter ce qui nous relie au travail, à commencer par les smartphones et les ordinateurs. Il est alors temps de rentrer chez soi. « À la fin de la journée, il faudrait se retrouver dans des moments de calme, avec des activités très douces.

Minuit, dans mon lit, je réponds toujours aux mails qui arrivent …

Je ne veux pas me plaindre et je prends la gestion de cette nouvelle mission avec beaucoup d’humour. Il y a bien pire comme situation et ceux qui sont les premiers au front depuis le début des évènements, force toute mon admiration et mon respect … mais le télétravail, tel qu’il est recommandé me fait bien marrer. Dans une gestion de crise comme celle que nous traversons, les choses ne peuvent d’organiser comme si nous étions au bureau …

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08/04/2020 – 23 ème jour du reste de ma vie – LES ENGAGÉES VOLONTAIRES

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 82 048 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 7 632 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 21 254 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Chargée de recenser les couturières volontaires pour la fabrication de plusieurs centaines de masques, chaque jour, je reçois plusieurs dizaines de mails me proposant, toujours avec beaucoup d’humilité, des propositions de soutien. Je rappelle toutes ces personnes et leur demande, combien de masques elles peuvent fabriquer en 15 jours (ceci afin de limiter les allées-et-venues des livreurs, car toutes sont livrées pour éviter les gros rassemblements), de façon à évaluer la quantité de fournitures en tissu, élastiques et fils nécessaires, à leur fournir. Notre entretien pourrait se limiter à une communication factuelle, mais non … La très grande majorité de ces personnes me raconte comment elle vit ce confinement.

Moi : « Bonjour ! Hanicka Andres, je suis la personne chargée de coordonner la fabrication des masques pour notre ville.

Elle : « Bonjour, oui je vois qui vous êtes ! »

Moi : « Vous allez bien ? »

Elle : « Oh, vous savez, j’ai maintenant 90 ans, je n’attends plus rien de la vie ! Si je peux aider! »

Moi : « Il ne faut pas dire ça ! Vous voyez, même à 90 ans, vous pouvez encore vous rendre utile et donner un peu de sens à ce qui se passe. »

Elle : « Je ne pourrais pas faire grand-chose, mais si ça peut un peu aider. J’ai ma petite fille qui est avec moi. Mon fils n’a pas voulu me laisser seule pendant le confinement, alors il m’a donné sa fille (rire). Ils s’inquiètent de trop, mes enfants. »

Moi : « C’est bien normal de s’inquiéter pour ceux qu’on aime ! et puis c’est bien, vous n’êtes pas seule comme ça ! »

Elle : « Oui, on s’occupe comme on peut ! Quand j’ai vu votre annonce, je me suis dit que ça pourrait être l’occasion pour ma petite fille d’apprendre à coudre ! J’ai une vieille machine à pédale, vous vous souvenez de ces vieilles machines à pédales qu’on faisait dans le temps ? »

Moi : « Oui, je me souviens très bien, maman en avait une et quand nous étions enfants, nous nous amusions à nous coucher sur la pédale, pendant qu’elle cousait. »

Elle : (rire) « J’ai connu ça moi aussi, avec mes enfants ! Bon, assez ri, parlez-moi plutôt de votre petite affaire. Faut qu’on sauve combien de pauvres gens en tout, de cette saleté de guerre  ? « 

Conversation téléphonique avec une couturière volontaire, ce jour !

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09/04/2020 – 24 ème jour du reste de ma vie – TENUE DE COMBAT EXIGÉE

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 86 334 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 8 044 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 23 206 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Toujours en télétravail, je me retrouve seule depuis mardi, laissant mes hommes oeuvrez sur le chantier que je rejoindrais samedi, si tout va bien. Je prends le temps de sortir prendre l’air avec Max, mon chien. Depuis trois jours, mon téléphone étant pris d’assaut dès 7h30 du matin, je ne prends même plus le temps de m’habiller, me disant, qu’après tout, en cette période de confinement, personne ne s’en souciera. 16h30, j’enfile donc un peignoir, histoire de couvrir ma pudeur et je sors, persuadée que je ne croiserais personne. Manque de bol, un passant se trouve dans la rue, avec son chien, et me lance un « bonjour » accompagné d’un mouvement de bras. Je lui réponds, un peu gênée de ma tenue, mais très vite, je constate que lui aussi est en peignoir de bain.

Lui, riant : « On est pas bien là ? Elle est pas belle la vie ? »

Moi (souriant) ; « Oui ! on est bien ! »

Lui : « Tranquille, dehors en pyjama et en peignoir, sous ce beau soleil ! Je vois que vous êtes comme moi ! »

Moi : « oui, oui ! »

Lui : « Et on est pas les seuls ! j’ai croisé d’autres voisins et ils étaient tous en peignoirs ou en pyjama ! Vous savez quoi ? J’ai l’impression de me balader dans une allée de camping, en vacances, et saluer tous mes voisins de Mobil-Homes, au saut du lit ! »

Nous rions, quand le voisin d’en face sort de chez lui, également en pyjama et peignoir : » Bonjour ! vous allez bien ? »

Moi : « oui et vous ? »

Le voisin d’en face, voyant l’homme dans la rue : « Je crois que dans le quartier on va lancer une nouvelle mode ! »

(rire partagé)

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10/04/2020 – 25 ème jour du reste de ma vie – GESTION DE CRISE

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 90 676 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 8 598 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 24 932 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

« Crise économique sans précédent », nous dit-on. Voilà bien une prédiction que personne ne conteste, dans la situation actuelle. Je fais partie de celles et ceux qui continuent à percevoir un salaire, tandis que d’autres pas et s’inquiètent à juste titre de leur sort.

Concernant les travaux de notre future maison, nous avons fait appel à plusieurs artisans qui ne pourront pas assurer le travail, pour raison de confinement. Emilien a décidé de prendre certains d’entre eux en charge, pour ne pas perdre trop de temps sur leur avancée. Il s’improvise maçon, couvreur, carreleur, … Il a des mains en or ! Certes, il met plus de temps, mais du coup, le coût initialement prévu n’a plus rien à voir avec un coût qui se limite à l’achat des matériaux. Je ne conteste pas le coût d’un artisan, car ils croulent sous les charges et surtout ils ont un savoir-faire incontestable. Mais, bon, quand on traverse une épidémie, que son compagnon, également artisan, ne rentre pas un kopeck parce qu’il n’a plus de chantier et qu’on a une maison à retaper, c’est le système D qui entre en jeu.

 

11/04/2020 – 26 ème jour du reste de ma vie – CONFINEMENT DORÉ

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 93 790 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 8 943 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 26 391 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

À côté de chez nous, habite un couple avec deux jeunes enfants. deux garçons, deux petits terribles ! Au plus nous avançons dans ce confinement, au plus leur vie dans le jardin, prends des allures de vacances. Shorts, lunettes de soleil, maillots de bain, hamacs, chaises longues, … Ils nous saluent par-dessus la clôture et prennent le temps d’échanger au moins 20 minutes. C’est toujours lui qui prend la parole. Elle est plus réservée.

Lui : « Bonjour, comment allez-vous ? »

Moi : « Bien, et vous ? Ça va avec les enfants ? »

Lui : « Oh et bien, nous avons trouvé un rythme. Malgré le télétravail, avec ce beau temps, c’est un peu comme si nous étions en vacances à la maison! Vos travaux avancent bien ! Vous faites du bon boulot, vraiment ! »

Moi : « Oui ! Émilien est plutôt content ! »

Lui : « Nous, nous avons acheté cette propriété il y a cinq ans maintenant, mais je n’ai pas le courage de m’y mettre. Pourtant, il y a encore beaucoup de travail ! Avec ce confinement, je pourrais, mais je n’ai pas envie! »

Moi : »Je comprends ! »

Lui : « Et puis il y a les enfants, l’école à la maison, … Mais surtout, il y a ce temps magnifique ! Vraiment pas motivé, ça attendra ! On a envie de profiter de cette période pour se reposer, prendre le temps ! On ne fait que dormir. C’est fou, ce besoin de dormir. C’est là que tu te dis, à quel point ta vie avant était dingue, question rythme. Vous savez quoi ? Je me dis que si nous n’avions pas besoin de ressources pour vivre, et bien moi, je resterais bien confiné jusqu’à la fin de notre vie. C’est vrai, finalement, on a besoin de quoi de plus ? Les amis ? On a les voisins pour maintenir un lien social. Peut-être la famille,… On les appelle régulièrement, mais ça ne suffit pas ! Faudrait qu’on s’organise pour vivre tous ensemble; on aurait la place à la maison. Mais bon, peut-être qu’au bout d’un moment on pèterait un câble ! (rire partagé). En attendant, nous, on est bien ! »

 

12/04/2020 – 27 ème jour du reste de ma vie – LA DÉBÂCLE

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 95 403 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 9 253 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 27 186 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Les magasins sont fermés, sauf ceux qui sont ouverts. Les masques sont réputés ne servir à rien, mais ça va devenir obligatoire et il faudra sans doute se les fabriquer car il n’y en a pas. C’est bien de porter des gants, mais c’est pire si on en utilise. Il ne fait pas aller dans les hôpitaux sauf si c’est indispensable. Nous n’aurons aucune difficulté à trouver les denrées de premières nécessités dans les supermarchés, sauf quand les rayons de premières nécessités sont vides. Nous ne pouvons pas sortir de chez nous, mais nous pouvons quand même le faire si nous en avons besoin. Le virus est mortel, mais pas pour tout le monde ; comparativement à la grippe, c’est moins grave ! Les enfants ne sont pas touchés par le virus, sauf pour quelques-uns. On ne doit pas travailler, mais on peut aussi le faire si on prend toutes les précautions. On reste chez soi, mais il faut quand même prendre l’air et sortir son chien. Si nous avons de la fièvre, c’est le premier signe qui doit nous alerter, mais si nous n’avons pas de fièvre, nous pouvons aussi être porteurs du virus. Nous pouvons faire l’amour avec notre compagnon (e), mais dans la voiture, il faut que l’un s’asseye à l’avant et l’autre à l’arrière. Nous ne pouvons pas être au contact des anciens, mais nous pouvons leur apporter des courses et des médicaments. Si nous sommes soignants, nous pouvons confier nos enfants au système de garde mis en place par la ville, mais il faut éviter de les regrouper dans un même endroit. le virus peut rester en suspension dans l’air dans une pièce fermée, mais il faut garder une distance sociale de sécurité. Il n’y a pas de traitement pour le moment, mais peut-être que si, ça dépend, faut voir.

13/04/2020 – 28 ème jour du reste de ma vie – UN MOIS DE PERMISSION

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 98 076 cas confirmés de coronavirus COVID-19.
  • 9 588 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 27 718 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

L’annonce est arrivée, au pied de nos maisons.

Le Chef de guerre, tel un wagon chavirant trop de fois,

clame que chacun gagne, un supplément de permission.

Dans ce train pandémique, un horizon, comme un sacrifice.

Voyageurs sans boussole, voyageurs immobiles, dans ce train qui dérive, on rêve d’une autre rive.

Pour un morceau de terre, pour quelques embrassades, un repas partagé, …

aventuriers solitaires, nous pleurons, nous pleurerons nos blessures et nos morts !

11 mai 2020, jour de grandes marées, fiévreuse, dans l’espoir d’une gare,

l’illusion brève, dans nos chaines, restera prisonnière.

14/04/2020 – 29 ème jour du reste de ma vie – UN AUTRE MONDE

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 103 573 cas confirmés par test PCR (prélévements dans le nez) de coronavirus.
  • 10 129 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 28 805 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Il a fait son annonce officielle pour une sortie du confinement le 11 mai, avec la réouverture progressive des écoles aux enfants. Je me passerais de commentaires, la grande majorité d’entre nous ayant déjà fait part de l’incongruité du fond de cette annonce. C’est fou, à quel point l’image et le crédit, autrefois tellement respectée d’un chef d’État, ont pu se dégrader. J’ai fait comme la plupart, j’ai regardé son intervention à la télévision, mais je l’ai fait, comme si j’avais visionné n’importe quel gus sur une vidéo diffusée sur Facebook. Grave, non ? Bref ! … Pendant ce temps, les citoyens se mobilisent; les uns en s’organisant pour faire des masques et les distribuer, livrer des courses aux plus vulnérables, les artistes et autres amateurs essayant de distraire ce temps de confinement, … Chacun de nous contribue comme il peut, à sa façon, et avec tellement de générosité et d’énergie, au bien de chacun. Là, où l’État fait preuve d’incompétence notoire, le peuple prend le relais (comme souvent, j’ai envie de dire).

Et moi, pendant ce temps, je rêve d’un autre monde, je sème des graines de nouveaux projets, d’abord pour mes proches, parce que sur ce point, je sais que j’ai une chance de les voir se réaliser…

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15/04/2020 – 30 ème jour du reste de ma vie – LE PAQUETAGE

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 106 206 cas confirmés par test PCR (prélévements dans le nez) de coronavirus.
  • 10 643 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 6 524 personnes sont décédées en EHPAD et en Ems depuis le 1er mars
  • 30 995 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

17 167 morts suite au Covid-19, dont 6 524 en EHPAD et EMS, en l’espace 2 mois et demi (sans compter toutes les personnes qui n’auront pas été identifiées). Les jours passent, et les tragédies s’enchaînent, sans que nous y prêtions vraiment attention. Je ne sais pas pourquoi, mais ce matin, en lisant ces chiffres j’ai pensé à ma grand-mère. Je me souviens d’un échange que nous avions eu, alors que j’étais petite fille. Je l’aidais à ranger son linge fraichement repassé et au moment de placer les serviettes de bain sur l’étagère avec les autres, elle me dit : »Non, pas celle-ci ! donnes là moi, je vais la ranger ailleurs ! ». Intriguée, je la suis dans sa chambre et je la vois sortir un petit sac de voyage, dans lequel elle range soigneusement cette serviette de bain.

Moi : « Tu pars en voyage Mémé ? »

Elle (amusée) : « Non ! assieds-toi, je vais t’expliquer ! »

Du sac, elle sort du linge propre, dont trois culottes, une chemise de nuit, deux serviettes de bain, un gant de toilette et une robe de chambre.

Elle : « Tu vois, tout ça c’est pour me préparer, si jamais je devais me faire hospitaliser un jour ! »

Moi : « Tu es malade ? »

Elle : « Non, mais à mon âge, il faut toujours se tenir prête ! »

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Mes grands-parents

 

16/04/2020 – 31 ème jour du reste de ma vie – L’ARMÉE DE L’OMBRE

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 108 847 cas confirmés par test PCR (prélévements dans le nez) de coronavirus.
  • 11 060 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 32 812 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Aujourd’hui, j’ai une pensée toute particulière pour les personnes anonymes qui se sont portées volontaires pour réaliser pas moins de 20 000 masques, pour les habitants d’une ville. Comme dit précédemment, je coordonne les opérations de chez moi, avec des collègues, et je suis en contact quotidiennement (y compris le week-end) avec elles. À ce jour, 115 personnes (amateurs ou professionnelles) se sont manifestées. Une grande majorité sont des femmes. Je les imagine à l’oeuvre dans leur cuisine, leur chambre ou encore leur salle à manger. Le nez penché sur l’aiguille, qui frappe le tissu à coeur pour souder ensemble ces paravents de protection. Concentrées sur leur mission. Dans l’urgence de la sortie du 11 mai, pour protéger chacun des petits soldats appelés à reprendre le chemin de l’école ou du travail. Se reprochant de ne pas aller assez vite, se questionnant sur l’efficacité de leur fabrication. Ouvrière, commerçante, mère au foyer, retraitée, soignante, élue d’une commune, fonctionnaire, résidente d’un foyer, ancienne couturière de métier ou amateur, riche ou pauvre, … toutes, d’un seul front, sans se connaître, agissent d’un seul bras armé pour lutter contre la pandémie, sauver les citoyens vulnérables. Et parmi elles, se trouve Pedro, jeune migrant de 30 ans, arrivé du Soudan en France il y a quelques mois, résidant à la communauté d’Emmaüs d’Etang-sur-Arroux, qui s’est porté volontaire pour participer à cette magnifique opération de solidarité. Chaque jour, inlassablement, il coud des dizaines de masques sur une vieille machine à coudre à pédale. Il ne se questionne pas sur la destination de ses réalisations. Il agit pour le collectif, dont quelques-uns auraient souhaité ne pas le voir franchir notre frontière. Dans un élan de fraternité, il agit ! Il agit pour préserver notre humanité, dont il fait lui aussi partie.

Et si c’était ça le monde de demain ? Si c’était ce formidable élan de générosité, dont le seul intéressement serait la survie de notre espèce, dans un monde que nous avons rendu si fragile ?

LA POMME - HANICKA ANDRES/HANS LUCAS
© Hanicka Andres

17/04/2020 – 32 ème jour du reste de ma vie – L’APPEL DU 17 AVRIL 2020

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 109 252 cas confirmés par test PCR (prélévements dans le nez) de coronavirus.
  • 11478 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 34 420 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Aujourd’hui, j’ai reçu un appel désespéré d’une dame qui venait de sortir de l’hôpital. Pour avoir mon numéro de téléphone, elle est passée par le biais de 3 personnes. Elle a eu vent de l’opération pour la fabrication des masques et pensait que j’étais la « bonne personne » à qui s’adresser. Contaminée et hospitalisée en soin intensif, elle s’en est sortie. Sa voix est rauque, je sens qu’elle a des difficultés à parler sur une respiration haletante. Chacune de ses phrases est ponctuée d’un : »Vous me comprenez ? J’ai du mal à parler! ».

Elle : « Bonjour, je suis madame X, je voudrais témoigner ! »

Moi : « Bonjour, je vous écoute ! »

Elle : « Voilà, mon père est mort du Covid-19 et je pense que j’ai été contaminé par lui. Je voulais vous faire part de l’urgence à fournir des masques à certaines personnes. Je suis une survivante de cette épidémie. Quand j’ai quitté l’hôpital, on m’a donné une ordonnance pour que je me procure une boîte de masques. Bien entendu, aucune pharmacie n’a pu m’en procurer. Me concernant, ce n’est pas grave, car théoriquement je suis désormais immunisée. Par contre, il faut savoir que les salles d’attente dans les hôpitaux sont bondées de gens malades, sans protection. Les personnels soignants sont équipés, de ce côté-là, pas de problème. Chacune de ces personnes se trouvant là, est pour la très grande majorité très malade ; sous traitement chimiothérapie, immunosuppresseur, dialyse, soupçon de contamination … Elles sont donc extrêmement vulnérables. Ce qu’il faut savoir également, c’est que d’autres malades avec traitements lourds sont chez eux, et qu’ils doivent sortir pour faire des courses. D’autres, ont carrément annulé leur RDV à l’hôpital pour ne pas être confrontés au risque de contamination. Dans les taxis, pas de protection également,… Madame, il y a urgence ! Beaucoup de personnes se trouvent en danger de mort … »

Quand tu te retrouves face à ce type de SOS, … tu fais quoi ? à part alerter les pouvoirs publics désarmés et pleurer ?

 

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18/04/2020 – 33 ème jour du reste de ma vie – LE SOLDAT INCONNU

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 111 821 cas confirmés par test PCR (prélévements dans le nez) de coronavirus.
  • 11 862 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 35 983 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

Ce jour, je reçois un appel d’une couturière bénévole qui m’avait contacté par mail. N’ayant récupéré qu’une adresse mail, je lui avais demandé un complément d’informations, notamment son numéro de téléphone et son adresse postale pour lui livrer des fournitures pour la réalisation de 10 masques. Après avoir récupéré le complément de ses coordonnées, elle poursuit l’échange :

Elle : « Je peux vous retenir quelques instants de plus ? »

Moi : « Oui, bien entendu, que puis-je faire pour vous ? »

Elle : « Parler ! Vous voyez, je suis célibataire, je suis reclus dans mon appartement et je ne parle à personne… Ça ne vous dérange pas de discuter un peu ? Je sais que c’est samedi et que vous m’avez appelé pour le travail, je ne veux pas vous déranger ! Cette solitude, j’en crève ! »

Moi : « Vous ne me dérangez pas du tout ! dites-moi, comment allez-vous ? »

Elle : « Oh ! merci madame ! Merci ! Je ne veux pas être indiscrète, mais vous voulez bien me dire ce que vous avez fait aujourd’hui ? (rire) C’est une entrée en matière comme une autre, non ? (rire partagé) … »

Moi : « Ça ne me gêne pas! vous avez raison ! Faisons connaissance ! »

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19/04/2020 – 34 ème jour du reste de ma vie – JOURNAL DE CAMPAGNE

  • Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 112 606 cas confirmés par test PCR (prélèvements dans le nez) de coronavirus.
  • 12 069 personnes sont décédées à l’hôpital,  depuis le 1er mars.
  • 36 578 personnes sont sorties guéries de l’hôpital, depuis le 1er mars.

De nouveaux voisins sont venus s’installer dans le pré qui jouxte notre maison. Une journée de décrochage avec le COVID-19 et ça fait du bien ! Une bonne heure à regarder brouter cette vache avec ses veaux…

 

20/04/2020 – 35 ème jour du reste de ma vie – LE DESERTEUR

  • En France, 114 657 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 20 265 décès liés au COVID-19 : 12 513 décès dans les hôpitaux et 7 752 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 37 409 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Comme si mon esprit était libre, mais prisonnier de mon enveloppe charnelle ! Cette situation m’étouffe de plus en plus. En télétravail toute la semaine, je suis confinée à 100%. C’est désormais Emilien qui vient me rejoindre un jour sur deux, du chantier à Broye. Sur mes rares temps de pause, mes pensées vagabondes vers des horizons ouverts, mais sont comme retenues, contraintes au coeur de ma poitrine. C’est un sentiment complexe à décrire. Paradoxalement, je n’ai plus envie de retourner à la vie d’avant. Si je le pouvais, je continuerais de travailler chez moi et à me couper complètement des êtres humains. Toutes les infos glanées ici et là, me suggèrent de ne plus côtoyer ce monde, de ne plus aller à la rencontre de l’autre. Ce sentiment n’est pas porté par la peur de tomber malade, mais plutôt par le dégout de ce que nous avons fait de notre société. Et pourtant, tout se prépare du côté de mon employeur ; il va falloir y retourner !

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21/04/2020 – 36 ème jour du reste de ma vie – LA DÉBÂCLE

  • En France, 117 324 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 20 796 décès liés au COVID-19,  7 896 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 39 181 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Selon Le Canard enchaîné, une circulaire ministérielle du 19 mars «suggérait de limiter fortement l’admission en réanimation des personnes les plus fragiles», par souci d’éviter l’acharnement thérapeutique et le manque de lits pour les plus jeunes. C’est ainsi, que faute de lit, d’appareil de réanimation, de masques suffisants, plusieurs personnes âgées seraient mortes, pour donner la priorité à des personnes plus jeunes.

Pour pouvoir tuer quelqu’un, il est indispensable de pouvoir ôter à sa victime, tout ce qui constitue  condition d’être humain, non ? Je suppose que c’est la même chose pour celles qu’on laissent mourir, alors qu’on aurait potentiellement pu la sauver dans un pays tel que le nôtre, non ? Je ne veux pas porter de jugement à l’emporte-pièce, mais comment peut-on prendre une telle décision ? Comment ? Qui peut faire ça aujourd’hui, dans notre pays ?

Nous sommes d’accord que la motivation première du gouvernement concernant la reprise du 11 mai est liée à la nécessité d’une relance économique. Oui, mais à quel prix ? Pour quels sacrifices humains ? Comment peut-on prendre une telle décision ? Qui peut faire ça ? Comment peut-on faire ce choix avec tant de légèreté ? Parce qu’il ne s’agit pas d’inconscience. Tout le monde a conscience que ce déconfinement va créer une relance de l’épidémie, non ?

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22/04/2020 – 37 ème jour du reste de ma vie – ERRANCE

  • En France, 119 151 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 21 340 décès liés au COVID-19 : 13 236 décès dans les hôpitaux et 8 104 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 40 657 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Depuis que je télétravail à temps plein à la maison, je ne peux plus me rendre autant de fois que je le souhaiterais sur le chantier où se trouve Émilien. Je le retrouve une fois par semaine, le samedi en général. Je me retrouve donc confinée seule dans ma grande maison, avec Max. Il m’est très difficile de trouver le sommeil ; la nuit dernière je me suis endormie à 5h30. Je ne vais pas me plaindre, car beaucoup vivent cette solitude depuis le début, mais il est clair que ces nouvelles conditions donnent une nouvelle dimension à cette expérience et qu’elle n’est pas très heureuse.

Il me manque !

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23/04/2020 – 38 ème jour du reste de ma vie – ASPIRATION DE L’ASPIRANT

  • En France, 120 804 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 21 856 décès liés au COVID-19 : 13 547 décès dans les hôpitaux et 8 309 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 42 088 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Ce matin, quelqu’un me soumettait l’idée de m’interroger sur mes aspirations concernant  « l’après ».

Avez-vous eu ou avez-vous la chance de connaître cette alchimie, délivrée par le sentiment d’amour ? Vous savez, celle qui trouve refuge au creux de votre ventre. Sensation chaude, douce, enveloppante, unique … Après un peu plus de cinq ans de vie commune avec Emilien, elle est toujours là ! Et bien, ma première aspiration, c’est qu’elle perdure le plus longtemps possible. Mon voeu pour « l’après », se limite uniquement au monde des sensations. Celui procuré par la gourmandise, par l’écoute, l’odorat, le toucher et le regard. Aspiration que j’ai d’ailleurs toujours essayé de cultiver, même avant le confinement. J’ai besoin de me sentir sécuriser et zen. Sentir et ressentir, rien de plus … Et tout cela, sans obéir au conditionnement imposé par ce qui est le plus en vogue dans notre société. J’ai appris à me connaître et je sais parfaitement ce qui est bon pour moi, aujourd’hui !

24/04/2020 – 39 ème jour du reste de ma vie – LE CASSE-TÊTE CHINOIS

  • En France, 122 577 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 22 245 décès liés au COVID-19 : 13 852 décès dans les hôpitaux et 8 393 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 43 493 personnes sont sorties guéries de l’hôpital

Élaborer des stratégies professionnelles, pour mettre en place un programme de vacances d’été, ouvert aux jeunes ; un véritable casse-tête chinois ! Se poser les bonnes questions, oui ! mais quand elles se présentent par centaine et restent  sans réponse, cela devient compliqué. Monter un projet à destination de la population, quand tu ne sais pas si les rassemblements seront autorisés, si le port du masque sera obligatoire (que faire de ceux qui n’en auront pas ?), si tu peux ou pas, sortir du territoire et jusqu’où, intégrer le fait que les départs en vacances ne seront peut-être pas possibles, donc proposer quand même une offre pour occuper les jeunes, penser activités avec distances barrières, se dire que les personnes auront peut-être encore peurs de sortir et que tu n’auras personne sur les activités proposées, se demander si certaines structures de loisirs seront ouvertes ou pas,  s’interroger sur la méthode pour changer rapidement son fusil d’épaule, en cas de nouvelles annonces gouvernementales, … Ce matin, pour la première fois, j’ai ri de bon coeur à cette situation rocambolesque ! Mon esprit s’est soudain positionné pour respecter la distance barrière, nécessaire pour ne pas devenir folle.

En attendant, mes deux ados ne souhaitent qu’une seule chose, c’est de retrouver leurs potes pour parler ensemble de ce qu’ils ont traversé …

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25/04/2020 – 40 ème jour du reste de ma vie – BASE MILITAIRE

  • En France, 124 114 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 22 614 décès liés au COVID-19 : 14 050 décès dans les hôpitaux et 8564 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 44 594 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Samedi, jour de relâche ! Sur le groupe de travail Facebook de l’équipe, après avoir passé la semaine sur des échanges purement professionnels, tout le monde y va de sa petite blague, de sa photo de gâteau ou de plat confectionnés pour le week-end. D’autres, nous partagent des photos de masques en tissu réalisés à temps perdu, quand elles ne gèrent pas l’approvisionnement d’autres couturières. L’ambiance ordinaire bon enfant du bureau, entre deux dossiers traités. À la ville du Creusot, les agents sont d’un naturel très dévoué. Toujours disponibles, sachant parfaitement travailler en réseaux, soucieux du travail bien fait, avec un sens aigu du service public. Bien entendu, il peut y avoir des coups de gueule, des coups de fatigue, … mais tous répondront présents en cas de besoin, reléguant ses états d’âme le temps de la bataille. Il est commun de dire, que la population de la ville du Creusot c’est comme une grande famille.

Quand je suis arrivée sur cette ville, c’était pour suivre mon ex-mari qui, après son doctorat venait de décrocher un poste chez AREVA. Nous venions tous les deux de Grenoble. Autant vous dire que c’était un choc énorme, entre l’activité toujours bruyante de cette grande ville et le calme déconcertant du Creusot. J’ai passé trois mois à déprimer, me demandant chaque jour ce que nous faisions là ! C’était il y a maintenant 20 ans. À l’époque j’avais très vite trouvé du travail à la Mairie. J’avais demandé à une collègue si elle voulait bien aller au cinéma avec moi. Elle m’avait alors répondu ; »Il faut que je demande à mon mari ! ». Une autre fois, j’échange sur des questions professionnelles avec un élu. Il me demande alors, comment se passe mon intégration dans la ville. Je lui dis que j’ai du mal. Il me dit alors cette phrase qui restera longtemps dans mon esprit : »Soyez patiente, c’est la Bourgogne qui va vous apprivoiser ! ». Ville de 21000 habitants, Le Creusot, cité industrielle, a été fortement marquée par son histoire. Les Schneider, puissante dynastie de maîtres de forges,  reprirent au 19 ème siècle les aciéries et forges du Creusot. Plusieurs d’entre eux furent ministres ou banquiers. Les Schneider ont ainsi dominé l’étendue du territoire sur un modèle patriarcal, tel un chef de famille.

Dans la situation que nous traversons, je sais que la ville du Creusot, se sortira de l’impasse, en mettant tout en oeuvre pour cela.

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26/04/2020 – 41 ème jour du reste de ma vie – CAMARADERIE 

  • En France, 124 575 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 22 856 décès liés au COVID-19 : 14 202 décès dans les hôpitaux et 8 654 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 44 903 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Dimanche soir je reçois, comme chaque soir, trois photos et un texte court qui relate les journées de Bakhta, Neige et Charazed, depuis le début du confinement. Pour mémoire, je les ai invité, depuis le début du confinement à écrire, comme moi, un journal sur leur quotidien. Vous pouvez suivre celui-ci ici : Confinement ordinaire pour femmes d’exception

Témoin silencieuse depuis le début, je retranscris chaque jour, leurs inquiétudes, leurs forces et leurs fragilités. Entre le ronron du quotidien qui se partage entre le ménage, la télévision, la cuisine et la gestion des enfants, il y a les mêmes questionnements. Ces moments d’intimité qu’elles nous livrent avec tant de générosité et sans pudeur, nous renvoient à nos propres émotions. Comme beaucoup au Creusot, durant ces 41 jours, pour deux d’entre elles, je les ai vu évoluer vers des actions de solidarité.  Neige s’est engagée à réaliser des masques pour la ville alors que sa pratique de la couture était loin derrière elle et Charazed, fait de la distribution alimentaire auprès d’étudiants. Bakhta, la troisième, mère célibataire, doit gérer ses deux adolescents, ce qui en soi est déjà une prouesse. J’ai beaucoup d’admiration pour ces femmes. Elles me touchent dans ce qu’elles ont de sincère, de simplicité, d’engagement naturel auprès des autres. Je les connais depuis quelque temps maintenant, et je suis heureuse de pouvoir partager cette épreuve à « leurs côtés » !

27/04/2020 – 42 ème jour du reste de ma vie – L’ETAT-MAJOR

  • En France, 128 339 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 23 293 décès liés au COVID-19 : 14 497 décès dans les hôpitaux et 8 796 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 45 513 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Aujourd’hui, allocution d’Édouard Philippe sur nos écrans de télévision. Nous attendons tous des réponses sur le projet de déconfinement prévu le 11 mai, notamment sur les questions relatives à notre vie quotidienne. Je doute fort qu’il puisse répondre dans le détail à chacune de nos interrogations. Ce sera plutôt pour demain, quand il y aura une rencontre avec les élus locaux et les préfets. Nous sortirons donc avec le goût amer de nos incertitudes et nos inquiétudes permanentes.

Je pense à nos élus locaux et en particulier à ceux qui gèrent la ville du Creusot, car c’est celui que je connais le mieux. Je voudrais tirer mon chapeau à chacun d’eux, qui chaque jour doit pallier aux besoins des plus fragilisés. Quand nous nous sommes lancés dans cette opération de fabrication de masques, ce sont eux qui sont allés au front pour approvisionner les 134 couturières. Ce sont eux également qui vont récupérer les centaines de masques chez chacune d’elles quand ils sont réalisés. Ils n’ont pas voulu mettre les agents en situation de danger sanitaire, alors qu’ils auraient très bien pu le faire. Ils sont en permanence sur le pont pour répondre à l’urgence. Je me souviens de l’appel d’une élu qui m’a dit :

Elle : « Impossible de trouver des masques pour protéger nos concitoyens. Nous aimerions pourvoir répondre à ce manque et nous avons pensé que des couturières pourraient nous en faire quelques-uns. Qu’en penses-tu ? »

Moi :  » Vous voudriez faire un masque par habitant, soit 21 000 ? C’est très ambitieux, mais on peut toujours tenter le coup ! »

Elle : « Super ! Soyons fous ! Il faut tout tenter ! »

Oui ! Il faut tout tenter !

28/04/2020 – 43 ème jour du reste de ma vie – BAISERS MORTELS

  • En France, 129 859 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 23 660 décès liés au COVID-19 : 14 810 décès dans les hôpitaux et 8 850 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 46 886 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Une petite phrase tourne en boucle dans ma tête, tout droit sortie de la bouche de notre « sous-officier » Edouard Philippe : « Le Covid-19, il va falloir faire avec ! »

Notre société, ou plus exactement, nos modes de relation et notre vie quotidienne en prendraient un sacré coup! Entre alterner les périodes de confinement en cas de pic d’épidémie, et le retour au bercail, il y a aussi le fait de garder ses distances, de ne plus se serrer la main, de ne plus s’embrasser pour se dire bonjour …

Je me souviens d’un des premiers jours, alors que mes enfants étaient confinés sur le chantier de notre nouvelle maison, j’avais reculé mon visage, suite à la tentative d’embrassade d’un de mes fils.

Lui : « Pourquoi tu te recules quand je veux t’embrasser ! »

Moi : « Parce qu’il faut être très prudent avec le risque de contagion ! »

Lui : » Je ne vois pas le rapport ! Tu es ma mère et on se voit presque tous les jours »

Moi : « Je vais faire des courses, donc je rencontre des personnes qui peuvent être porteuses du Covid-19. Par conséquent, je peux potentiellement attraper cette maladie. Tu comprends ? »

Lui (en tournant les talons) : « Fais chier ! »

Moi (en le rattrapant par le bras, pour l’enlacer) : « Viens là, que je t’embrasse ! »

Juste impossible avec mes enfants !

Strictement réservés à mes enfants et mon amoureux !

29/04/2020 – 44 ème jour du reste de ma vie – COLIS POUR PRISONNIERS DE GUERRE

  • En France, 128 442 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 24 087 décès liés au COVID-19 : 15 053 décès dans les hôpitaux et 9 034 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 48 200 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Ce matin, je reçois un colis que je n’ai pas commandé. À l’intérieur, se trouvent six masques,  expédiés par ma maman qui se habite dans le sud. Pas de texte, rien d’autre que ces rectangles de tissu. Je porte l’un d’entre eux à mon visage, et je respire l’odeur de la lavande. Des masques simples et efficaces, cousus dans un morceau de drap, qui sentent bon la lavande. Un message d’amour de ma maman, un message silencieux, pour parfumer et protéger les maux de notre famille …

Je t’aime maman !

95053622_544405649588574_4449256789153677312_n30/04/2020 – 45 ème jour du reste de ma vie – ZONE ROUGE

  • En France, 129 581 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 24 376 décès liés au COVID-19 : 15 244 décès dans les hôpitaux et 9 132 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 49 476 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Les critères du déconfinement annoncé pour le 11 mai, me conduisent à regarder de plus près la situation du département de la Saône-et-Loire, dans lequel je vis. Nous sommes en zone rouge! On me dit que tout peut encore évoluer en quelques jours. Même si je le souhaite très fort, je n’y crois pas. Je ne pense pas être pessimiste, je pense être lucide tout simplement. « Il va nous falloir vivre avec le Covid-19 ! », nous a-t-on dit. Une fatalité ? non plus, parce que je pense que le genre humain a la capacité de se sortir de situation aussi tendues; il a en effet fait ses preuves lors d’évènements passés. Non ! vu la façon dont est gérée la pandémie actuellement, il va falloir s’armer de patience. Nous pourrions nous contenter de ce constat, en prenant notre mal en patience, en restant raisonnables et attendre que le voile se lève. Mais je ne peux m’empêcher de penser aux conséquences dramatiques liées à cette situation qui dure ; chômage, faillites d’entreprises, morts, foyers de violence, … S’armer de patience et pleurer les pertes !

GIOVANI-1070319

01/05/2020 – 46 ème jour du reste de ma vie – ANNIVERSAIRE CONFINÉ

  • En France, 130 185 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 24 594 décès liés au COVID-19 : 15 369 décès dans les hôpitaux et 9 225 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 50 212 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Bakhta. Je la connais depuis quelques années maintenant. Elle s’est inscrite à un de mes ateliers théâtre avec d’autres. Elle s’est présentée voilée d’un Jilbeb et au-delà de la surprise, c’est l’inquiétude qui m’a saisi. Je me suis demandé comment j’allais pouvoir protéger sa présence dans ce groupe (c’est ma première démarche lors de l’arrivée d’un nouvel élève et Bakhta portait un signe fort d’appartenance que beaucoup rejettent encore). Tout s’est très bien déroulé car au-delà des apparences, c’est une personne que nous avons appris à apprécier ; Sensible, intelligente, généreuse, drôle (tellement), … Nous ne pouvions que l’aimer. J’aime Bakhta, profondément. C’est mon amie.

Elle s’est beaucoup investi pour les habitants du territoire, en s’engageant dans de nombreux projets ; elle a notamment participé à des ateliers destinés à accompagner des personnes porteuses de handicap, pendant de nombreuses années. Maman célibataire, elle a deux adolescents qu’elle inscrit aussi régulièrement dans cette démarche de solidarité. C’est une femme que je respecte énormément pour son courage et sa générosité toujours désintéressée. Nous ne pouvons que l’aimer.

Aujourd’hui, c’est son anniversaire. Elle le vivra, comme beaucoup, en confinement, avec ses enfants. Un évènement qu’elle ne pourra pas partager avec sa famille, autour d’un bon repas. Je pense à elle !

Joyeux anniversaire Bakhta !

 

02/05/2020 – 47 ème jour du reste de ma vie – LES OUBLIÉS DE LA GRANDE GUERRE

  • En France, 130 979 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 24 760 décès liés au COVID-19 : 15 487 décès dans les hôpitaux et 9 273 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 50 562 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Les artistes ne sont pas en reste pour nous distraire durant cette période de confinement, difficile pour tous. Et ça nous fait tellement de bien ! Et pourtant, ce sont les grands oubliés des mesures prises par le gouvernement pour accompagner la population durant cette épreuve. En raison des risques liés au Coronavirus, de nombreux spectacles sont déjà ou vont être annulés dans une période printemps-été très importante pour cette catégorie socio-professionnelle. Malheureusement les intermittents du spectacle vont subir de plein fouet cette crise, puisqu’ils auront du mal à faire les  cachets nécessaires pour toucher leur allocation.

Est-ce à dire que nous pourrions nous passer de la culture ?

Certainement pas ! À la sortie de cette crise nous aurons besoin de « nos saltimbanques »; ils sont vecteurs d’une société dynamique. Non seulement ils nous divertissent, mais nous permettent aussi de « lire » autrement le passé et d’imaginer un avenir. La culture améliore notre qualité de vie; c’est indiscutable. Que ferions-nous sans spectacle, sans concert, … ? Notre temps se limiterait à travailler et à consommer pour dépenser l’argent gagné. Plus de rencontre, plus de grands rassemblements pour célébrer ensemble de grands moments de fête, plus de sentiment d’appartenance à une communauté.

Encore une gageure du gouvernement dont il devra répondre …

« Toi qui te voyais si grand, si fort, si beau,
Tu es le fou parmi les fous,
Qui disent bâtir un monde parfait,
Tu es le fou qui a mis Bâ ce monde de fous.

Moi , je connais bien d’autres fous,
Qui envolent tous vos démons,
Qui  révèlent vos propres monstres,
Se poignardant  de vos pieux mensonges.

Ceux-là, vous observent derrière nos paupières cousues,
Quand les bêtes sont là mais qu’il n’y a personne,
Quand les moutons suivent ce que personne ne veut,
En riant, nous faisant croire qu’ils rient d’eux-mêmes.

Pense à nous, pauvre fou,
Pense à nous, les autres fous,
Pense à nous et non pour nous … »

Extrait de « Deux pommes pour un chou », interprétée par Elisabeth Andres et Pascal Roubaub, pièce de théâtre clownesque écrite et mise en scène par Hanicka Andres

Deux pommes pour un chou
« Deux pommes pour un chou » avec Elisabeth Andres et Pascal Roubaub,                                           mis en scène par Hanicka Andres

03/05/2020 – 48 ème jour du reste de ma vie – RATION DE GUERRE

  • En France, 131 287 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 24 895 décès liés au COVID-19 : 15 583 décès dans les hôpitaux et 9 312 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 50 784 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Partout sur les réseaux sociaux, fleurissent les partages de plats confectionnés par les uns et les autres, durant le confinement. On pourrait se demander pourquoi, cuisiner a prit une place tellement importante dans la vie de chacun, dans ce moment précis. Outre, le besoin de s’occuper l’esprit, la gourmandise semble prévaloir ce regain.

On se demande souvent pourquoi la gourmandise figure parmi les pêchés capitaux. La liste de ces derniers a été progressivement établie d’abord dans les couvents et les monastères. Elle concernait les tentations auxquelles étaient particulièrement exposés les moines et les nonnes. Il semblerait qu’ils étaient particulièrement enclins à la gourmandise. Puisqu’ils faisaient voeu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, ils renonçaient en principe aux délices de la sexualité, de la richesse et du pouvoir et «compensaient» en succombant au plaisir de la bonne chère. De fait, dans la vie monastique des premiers siècles, la gourmandise avait autant d’importance, et peut-être même plus que la luxure. Elle était d’autant plus insidieuse et difficile à vaincre que, à la différence de la luxure, elle est liée à la satisfaction d’un besoin naturel, le besoin de se nourrir, un besoin de survie.

S’alimenter, avaler, se baffrer, bouffer, becqueter, boustifailler, se collationner, consommer, croquer, croûter, déguster, dîner, déjeuner, dévorer, se délecter, engloutir, engouffrer, festoyer, goûter, se goinfrer, grailler, grailler, gueuletonner, mâcher, mastiquer, ingérer, ingurgiter, grignoter, picorer, se nourrir, ripailler, savourer, se bourrer, se gaver, s’empiffrer, se restaurer, se repaître, se sustenter, se rassasier, se piffrer, se régaler, se régaler, souper, …

MANGER !!!!

Quand il nous reste encore la gourmandise …

04/05/2020 – 49 ème jour du reste de ma vie – LE PARFAIT SOLDAT

  • En France, 131 863 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 25 548 décès liés au COVID-19 : 15 826 décès dans les hôpitaux et 9 375 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 51 371 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Depuis le début du confinement, si d’autres couples vivent celui-ci avec difficulté, de notre côté, tout va très bien. Emilien a toujours été attentionné avec moi. Très complices, c’est comme si nous nous connaissions par coeur depuis toujours. De mon côté, je suis vigilante également à ses sautes d’humeur qui racontent toujours autre chose, ses coups de fatigue, ses coups de blues. Très à l’écoute l’un de l’autre, c’est ce qui nous permet de vivre notre relation de la meilleure façon qui soit.

Hier soir, alors que je sortais de ma douche, il avait installé une chaise dans la salle de bain. Après m’avoir invité à m’installer, il s’est emparé du sèche-cheveux pour me faire un brushing. Ce n’est pas inhabituel chez lui, cette volonté de s’occuper de moi de cette façon. S’il voit que je me vernis les ongles de pieds, il arrive pour me demander de le faire à ma place. Je pourrais citer des dizaines d’exemples de ce type. Apparemment, ce n’est pas quelque chose dont je serais l’unique privilégiée ; il procédait déjà de cette façon avec ses ex. La gentillesse d’Emilien est naturelle.

Ce comportement est d’autant plus surprenant, que son aspect physique contraste clairement avec celui-ci ; plutôt costaud, tatoué, d’une personnalité très virile, il est aussi doux et attentionné avec ses compagnes.

J’ai de la chance !

95579033_3000977140128624_1403966758284427264_n05/05/2020 – 50 ème jour du reste de ma vie – RECONSTRUIRE

  • En France, 131 863 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 25 201 décès liés au COVID-19 : 15 826 décès dans les hôpitaux et 9 375 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 51 371 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Moi : « Ça va sur le chantier ? Pas trop difficile ta mise à contribution pour les travaux de la maison ? »

Lui : « Si, j’en bave carrément ! »

Moi : « Tu peux te poser si tu le souhaites ! Il suffit d’en parler avec Émilien. Tu veux que je lui en parle ? »

Lui : « Non, surtout pas ! »

Moi : « Pourquoi ? »

Lui : « Parce qu’il a besoin de moi et que je veux pas le laisser tout seul dans cette galère. »

Moi : « Ça me touche ce que tu dis ! Merci ! »

Lui : « Tu sais, j’en tire aussi un certain avantage. »

Moi : « Ah oui ? Lequel ? »

Lui : « Ben grâce à Émilien, j’apprends plein de choses ! »

Moi : « Racontes ! »

Lui : « Ben, la liste est longue, mais en gros, je sais plaquer, peindre, préparer une tranchée pour poser un portail, préparer du béton pour couler une chape et plein d’autres choses. Plus tard, ça me servira quand j’achèterais un appartement ou une maison. »

Moi : « Oui ! tu as raison de penser comme ça ! »

Lui : « Et au-delà de ça, à la sortie du Covid, faudra tout reconstruire et moi je serai prêt ! »

Extrait d’une conversation avec mon fils, Zinédine, 20 ans

Zinédine, le bâtisseur

06/05/2020 – 51 ème jour du reste de ma vie – MUTINERIE

  • En France, 137 150 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France. 
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 25 809 décès liés au COVID-19 : 16 237 décès dans les hôpitaux et 9 572 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 55 972 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Lui : « Man, tu peux m’amener à Chalon, le 11 mai, dans la soirée ? »

Moi : « Pourquoi veux-tu aller à Chalon ? »

Lui : « Je suis invité chez Théo, c’est son anniversaire ! »

Moi : « Ça ne va pas être possible ! »

Lui : « Si, c’est possible ! Tu n’es pas au courant ? Le 11 mai, ils ont annoncé le déconfinement. »

Moi : « Oui, mais dans des conditions particulières ! »

Lui : « Oui, je sais, le déconfinement sera progressif, ça veut dire qu’on pourra sortir, genre un jour sur deux. »

Moi : « Pas du tout ! Ce déconfinement s’adresse prioritairement aux travailleurs et aux parents qui ont des jeunes enfants. »

Lui : « Non, tu n’as pas compris ! tout le monde pourra sortir. D’ailleurs, nous n’aurons plus besoin d’attestation à fournir ! »

Moi : « Certes ! Mais il y a toujours des consignes de sécurité sanitaires strictes. Il faut, par exemple, se tenir à bonne distance. Tu penses sérieusement que tu vas pouvoir garder tes distances avec tes amis, dans le cadre d’une soirée ? Si en plus vous buvez un peu … »

Lui : « Non, mais sérieux ! Je vais devenir dingue avec vos histoires ! »

Moi : « Ce sont aussi les tiennes ! Je suis désolée, mais tu vas devoir encore patienter ! »

Lui : « Je m’en fiche, je ferais le mur, j’ai assez donné ! »

Moi : « Rayan, s’il te plaît ! … »

Extrait d’une conversation avec mon fils Rayan, 18 ans

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07/05/2020 – 52 ème jour du reste de ma vie – GRANDIR

  • En France, 137 779 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 25 987 décès liés au COVID-19 : 16 386 décès dans les hôpitaux et 9 601 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 55 027 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Moi : « Je suis inquiète pour ton frère ! »

Lui : « Pourquoi ? »

Moi : « Hier, il m’a dit qu’il voulait absolument sortir pour aller à l’anniversaire de Théo ! Je lui ai expliqué le contexte, mais il ne veut rien entendre ! »

Lui : « Laisses-lui du temps ! Il va réfléchir ! »

Moi : « Il supporte de plus en plus mal l’enfermement ! »

Lui : « Arrêtes de t’inquiéter maman ! Tout va bien se passer, fais-lui confiance ! Il grandit ! »

Extrait de conversation avec mon fils Zinédine, 20 ans

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08/05/2020 – 53 ème jour du reste de ma vie – MARCHE OU CRÈVE

  • En France, 138 421 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 26 230 décès liés au COVID-19 : 16 497 décès dans les hôpitaux et 9 733 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 55 782 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

La date du 11 mai approche, avec son projet de déconfinement. Les chiffres sont toujours en hausse, et les parents (travailleurs) vont pour la plupart remettre leurs enfants à l’école. Les débats font rage sur les réseaux sociaux, certains se questionnant toujours sur la pertinence de cette sortie « hasardeuse », d’autres plus confiants, qui expriment le ras-le-bol du confinement et enfin, ceux qui refusent d’exposer enfants et famille à une « deuxième vague » qui s’annoncerait plus violente que la première. Chacun défend ses arguments, targuant les uns « d’inconscients » (les termes sont parfois plus virulents; j’ai lu « criminels »), et les autres de « trouillards ». Je pense que chaque position est respectable. Personnellement je n’ai plus d’enfant scolarisé, mais si cela avait été le cas, j’aurais fait l’impasse d’un retour à l’école jusqu’en septembre, même si cela avait dû passer par la case du redoublement. Ceci-dit, le gouvernement prévoit de ne plus financer le chômage partiel, ce qui va générer des licenciements. La question, pour de nombreux parents, va donc se poser sérieusement sur une reprise, par ailleurs non désiré, et je les comprends. Cette situation ressemble à une sorte de prise d’otages; « En marche, ou crève ! »

09/05/2020 – 54 ème jour du reste de ma vie – LIBERTÉ MON AMOUR

  • En France, 138 421 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 26 310 décès liés au COVID-19 : 16 573 décès dans les hôpitaux et 9 737 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 56 217 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Compte à rebours vers le déconfinement … Chacun exprime à coeur ouvert, son besoin de sortir, de vivre cette échappée comme la possibilité de mettre enfin un pied dans « un monde nouveau ». Très attendu, on oublie rapidement que l’épidémie est toujours active, en prenant soin de prendre rendez-vous chez son coiffeur ou en préparant une liste de courses autres qu’alimentaire. Revoir sa famille, ses amis, acheter de nouveaux vêtements, … compenser d’une façon ou d’une autre, l’impossibilité de vivre normalement durant ces longues semaines de « jeûne » imposées. Consciemment, chacun sait que le danger persiste dans cette illusoire liberté et pour se déculpabiliser on répète à qui veut bien l’entendre : »Je vais sortir, mais en respectant, les gestes barrière et en portant un masque ! ». Exit : « Prenez soin de vous! » … Le 11 mai, beaucoup seront dehors, en enfilade, les uns derrière les autres, devant les entrées de magasins. Au nom d’une liberté, enfin retrouvée …

10/05/2020 – 54 ème jour du reste de ma vie – MAUX INVISIBLES

    • En France, 139 063 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
    • Depuis le 1er mars, nous déplorons 26 380 décès liés au COVID-19 : 16 642 décès dans les hôpitaux et 9 738 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
    • Depuis le début de l’épidémie, 56 217 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Veille du 11 mai 2020. Cet épisode (qui n’est pas terminé) a entraîné des souffrances psychologiques parfois invisibles. Je l’ai constaté surtout chez mes enfants adolescents. Pendant toutes ces semaines de confinement, ils n’ont rien dit ; ils se sont terrés, comme tous, en silence, dans l’attente d’une liberté retrouvée. Presque pas de plainte. Mais j’ai vu, au fil des jours, dans leurs attitudes, les symptômes du mal-être ; regard dans le vide, silences inhabituellement prolongés, perte d’appétit, moins de rires partagés, réclusion volontaire dans leur chambre. De mon côté, c’est surtout au début que j’ai manifesté des signes d’inconforts psychologiques. Me posant mille questions sur ce qui se passait, j’ai rapidement modifié ma posture, pour veiller au bien-être de mes enfants et mon compagnon. Quant à Emilien, il ne s’est jamais plaint, mais rapidement, il a décrété que c’est lui qui irait s’exposer dans les magasins pour faire les courses, tout en poursuivant les travaux de la maison. Il s’est imposé une charge importante pour protéger sa famille. J’ai cependant repéré chez lui, le manque de sommeil. La nuit, il lui arrive souvent d’errer dans la maison. Je sais que cette situation l’a beaucoup affecté, lui aussi.

11/05/2020 – 55 ème jour du reste de ma vie – JOUR NOIR

  • En France, 139 519 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 26 643 décès liés au COVID-19 : 16 820 décès dans les hôpitaux et 9 823 décès dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
  • Depuis le début de l’épidémie, 56 724 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Jour « J » pour l’ouverture de la cocotte-minute, avant explosion. Comme prévu, les files d’attente devant les magasins, en mal de consommer sont bien présentes. Tout le monde est de sortie ! C’était tellement prévisible !

J’ai réussi à négocier 10 jours de plus de confinement pour mes enfants, ce qui n’était pas évident. D’ici 10 jours, je pense que nous aurons un point de vue sur cette situation pandémique. De mon côté, j’ai réussi à négocier le télétravail avec présence au bureau ponctuelle, si nécessaire. Pour Émilien, rien de changer ! Il est d’accord avec moi sur la grande prudence à adopter par rapport à ce feu vert donné par le gouvernement.

Perte de confiance absolue pour ceux qui nous gouvernent et l’humanité en général ! Les jours noirs ne sont pas terminés. Je veille !

12/05/2020 – 56 ème jour du reste de ma vie – J’AI FAIT UN RÊVE

  • En France, 140 227 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 26 991 décès liés au COVID-19 
  • Depuis le début de l’épidémie, 57 785 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

J’ai fait un rêve …

Je m’étais endormie plusieurs mois.

J’étais alors rentrée en moi, par le plafond comme tout le monde peut le faire. L’orage me suivait et en voulait à ma chemise de nuit qui ne cessait de pleurer toutes les larmes de son corps. J’avais envie de me réveiller, comme chaque nuit, quand je me suis sentie emportée dans un trou avec deux petits cailloux accrochés à mes pieds. Des voix me répétaient « calme toi ! calme toi ! », mais la tempête de groseilles blanches était trop forte alors je me suis finalement accroupie sous mes deux éventails gantés. Je me sentais prise au piège dans les aiguilles d’une montre qui tournent à l’envers. C’est là qu’une petite voix m’a soufflé :

Toi qui me parle d’elle,

de son rire effacé,

de sa disparition,

de ce désir-là.

Toi qui me dis que vous dansiez ensemble,

toi qui lui dis toujours je t’aime,

toi qui me dit tout d’elle,

maintenant disparue,

reviendra-t-elle ?

Je creusais dans ma mémoire pour retrouver « elle » au fond du trou.

J’ai vu mon reflet dans une flaque de groseilles blanches fondues.

Je l’ai appelé, mais elle ne répondait pas.

Entre deux flaques, je marchais pieds nus, le froid me glaçait le coeur !

Dans mon grand corps vide (et pourtant si lourd) résonnait toujours l’écho assidu et désordonné de mon cœur. J’observais sans relâche, tous les progrès du mal de ce monde que je rejetais, mais qui pourtant m’était si familier. Par la fenêtre de mon rêve, le ciel me donnait la teinte que prendraient mes paupières et mon âme aujourd’hui; bleu/gris/sombre. Un jour, je pourrais ouvrir ma porte restée trop longtemps fermée à clé. Mon regard fiévreux se penchera sur mes deux pieds, responsables de mon ancrage ici. Un jour, quand je serais tout à fait prête, j’en étais certaine, je pourrais alors déployer mes ailes pour la rejoindre : Liberté !

13/05/2020 – 57 ème jour du reste de ma vie – REGARD MASQUÉ

  • En France, 140 734 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 27 074 décès liés au COVID-19 
  • Depuis le début de l’épidémie, 58 673 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Hier, je me suis rendue au Creusot, pour animer une réunion de travail. Dans la rue, je croise nombre de personnes portant un masque, qui défigure leur visage. Port du masque obligatoire ; la plupart semblent respecter la consigne recommandée par les autorités politiques et sanitaires. Silhouettes errant dans les rues, aucune chance de reconnaître l’une d’entre elles. Pendant encore quelque temps, nous devrons nous habituer à cette nouvelle situation. En une journée à peine, la France a changé de figure.

Quand je rencontre mes collègues, nous rions nerveusement de nous voir ainsi affublés, chacun de nous indiquant à l’autre : « J’ai eu du mal à te reconnaitre ! ». Identité masquée, déguisée, gommée, plus aucune émotion ne transparaît. Acteurs anonymes d’une société malade, cette rigidité faciale, efface nos particularités, notre singularité, notre histoire, tout ce qui nous distingue les uns des autres.

Dans l’immense salle de réception de la Mairie, nous sommes huit en réunion. Deux des agents gardent leur masque. L’un ne dit mot, l’autre s’évertue à se faire comprendre en criant, le masque étouffant ses paroles. Ses propos s’accompagnent d’inflexions de voix qui trahissent certaines émotions. Celles-ci tranchent étrangement avec son visage figé, qui lui, ne raconte rien. Lorsqu’on réagit à ses commentaires, pas de résonance visuelle à nos paroles.

Distanciation physique oblige, nous sommes assis devant des tables individuelles, espacées d’un mètre cinquante.  Nous éloignons les uns des autres. Nous devenons « une menace » pour l’autre, un prédateur potentiel.

Déshumanisés mais responsables, nous obéissons aux besoins de survie du collectif, nous nous fondons dans la masse, le « je » devient « nous ».

Quand le poulpe jette son encre, que le regard se brouille, toute relation est condamnée…

14/05/2020 – 58 ème jour du reste de ma vie – SECRETS D’ÉTAT

  • En France, 141 356 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 27 425 décès liés au COVID-19 
  • Depuis le début de l’épidémie, 59605 personnes sont sorties guéries de l’hôpital. 

Dans le désordre, (parce que la vie est un grand bazar), ce que je ne vous ai pas dit dans ce journal :

J’ai passé de nombreuses nuits blanches à m’interroger sur la situation.  J’ai raté de nombreuses recettes de gâteaux, parce que j’improvisais, faute d’avoir tous les bons ingrédients sous la main. J’ai créé un groupe WhatsApp avec mes soeurs pour communiquer tous les jours avec elles. Sur le net, j’ai commandé de la nourriture aux agriculteurs locaux et des baskets à la demande d’un de mes fils. J’ai beaucoup échangé sur Messenger avec mes amies. J’ai beaucoup ri des âneries diffusées sur Facebook (des supposées sérieuses, comme des traits d’humour). J’ai été touchée par les actions des uns et des autres, en direction des plus vulnérables. J’ai navigué sur plein de sites de déco pour imaginer l’aménagement de ma future maison. Je n’ai pas ouvert un seul bouquin mais j’ai écouté beaucoup de musique. Avec Émilien, nous nous sommes dit des millions de mots d’amour. J’ai caressé chaque jour les cheveux de mes enfants. J’ai pleuré une amie décédée du COVID-19. J’ai un membre de ma famille qui a été affecté par le virus, mais qui s’en est heureusement sortie. J’ai vendu ma maison à Broye. J’ai été très triste de retrouver mes collègues si tristes. J’ai bu de la bière de qualité. J’ai commencé à préparer mes cartons pour le déménagement, qui devrait se faire en juillet. Mon ex-mari nous a dit qu’il ne fallait pas hésiter à le contacter si nous avions besoin de lui. Mes enfants ont beaucoup mûri. Mon chien Max est plus heureux, depuis le confinement, car il vit plus libre ; je n’ai pas eu besoin de l’enfermer pour aller bosser. J’ai jeté beaucoup de choses. J’ai fait des bouquets avec les fleurs du jardin. Je ne suis quasiment pas sortie durant le confinement. Ma soeur est allée voir notre mère une première fois et lui a parlé derrière le portail. Une seconde fois, elles ont mangé ensemble dans le jardin, chacune en bout d’une grande table et elles ont beaucoup ri de cette situation. Ma coiffeuse m’a envoyé un mail pour me dire que son salon allait rouvrir et qu’elle avait fait des masques pour les Creusotins. La fille d’une de mes amies est suspectée d’avoir contracté le virus et nous attendons les résultats, inquiètes. J’ai taillé mon rosier, qui m’a donné de superbes fleurs.

15/05/2020 – 59 ème jour du reste de ma vie – EN ATTENDANT LE RETOUR DU PÈRE NOËL

  • En France, 141 919 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 27 529 décès liés au COVID-19 
  • Depuis le début de l’épidémie, 60 448 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

J’ai la chance d’avoir deux enfants en bas âge dans ma famille ; Chloé, ma petite fille de trois ans et Anaya, la fille d’Émilien qui a 6 ans. Les enfants ont quelque chose de merveilleux en eux ; la douceur, l’innocence, l’exigence de l’immédiat, la culture de l’imaginaire, la spontanéité et bien d’autres qualités encore … Les enfants me font du bien, car dans les situations graves comme celle que nous traversons, et si on est capable de se poser à côté d’eux, ils sont capables de nous apaiser. Il n’y a pas de période précise, pas de règle, pour rêver au Père Noël. Il n’y a que le souvenir d’un bon moment vécut en famille, pour réinstaller, avec simplicité ce qui nous a fait du bien. Anaya me chante régulièrement ce petit chant de Noël ; elle vient m’attraper dans mes pensées et mes occupations d’adulte, me prends par la main et m’oblige à m’assoir pour l’écouter chanter l’histoire de ce bonhomme de neige … Appliquée, douce, elle captive toute mon attention et m’enlace de sa petite voix d’enfant, pour me dire que tout va bien … J’aime ces instants !

16/05/2020 – 60 ème jour du reste de ma vie – REVOLUTION EN MARCHE

    • En France, 142 291 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
    • Depuis le 1er mars, nous déplorons 27 679 décès liés au COVID-19 
    • Depuis le début de l’épidémie, 60 448 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Sur « l’après », la révolution est en marche …

Ils ont prévu de reprendre l’autoroute des vacances avec ses bouchons interminables, de se retrouver sur des plages bondées et de manger des barquettes de frites/merguez hors de prix, de dépenser leur argent dans des boutiques « tout à 1 € » ou « 2 pour le prix d’1 », de retrouver coiffeuses, esthéticiennes, boutiques de mode, pour être plus belles, de renouer avec les fêtes alcoolisées où on entonne les plus beaux chants paillards, de voir supprimer les 150 euros/mois alloués par l’État aux plus démunis, de remettre leurs enfants à l’école, d’acheter une maison avec jardin, de retourner au travail pour pouvoir gagner de l’argent et consommer, de faire déborder les poubelles de déchets lors de piques-niques bucoliques, de se racheter des plats tout prêts, de faire la queue au comptoir du Mac Do ou du kebab, de publier des photos de vacances sur Instagram, …,  de retrouver leur vie « d’avant », … la vraie vie, quoi !

17/05/2020 – 61 ème jour du reste de ma vie – LE DÉBUT DE LA FIN

  • En France, 142 411 cas seraient confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • Depuis le 1er mars, nous déplorons 28 108 décès liés au COVID-19 
  • Depuis le début de l’épidémie, 61 213 personnes sont sorties guéries de l’hôpital.

Ce jour, je termine l’écriture de mon journal. Je remercie chacun des lecteurs qui auront pris soin d’en prendre connaissance. Certains m’ont fait part de leur satisfaction à se « retrouver » dans mes mots, d’autres auront davantage apprécié mes photos (issues d’archives ou d’actualité). Vous aurez compris que j’ai utilisé, pour la grande majorité, des expressions liées à la guerre, en résonance à l’annonce d’Emmanuel MACRON, notre Président. C’était un trait d’humour. J’espère que la « guerre » se jouera autrement et malgré tout (quelle que soit sa forme ; contre soi, pour changer ses mauvaises habitudes, contre ce système malade depuis plus longtemps que l’apparition de ce virus, contre toute forme de pouvoir abusif, …)  quand nous serons complètement sortis de cette tragédie. Le temps est à présent venu d’enterrer nos morts, de retrouver (quand la distance le permet) nos proches, nos collègues, nos amis.

Entre le 10 mai et ce jour, soit une semaine après le déconfinement :

  • en France, nous pouvons compter 3 348 nouveaux cas confirmés selon les estimations de Santé publique France.
  • 1 728 nouveaux décès liés au COVID-19 
  • 4 996 personnes qui seraient sorties guéries de l’hôpital.

Le virus poursuit sa route, invisible, sournois, assassin, …

Prenez soin de vous !

Je vous embrasse !

Article paru sur le JSL au sujet de ce journal et celui de mes amies dont j’ai collecté le quotidien Confinement ordinaire pour femmes d’exception

 

 

16 Comments

    1. Merci Hanicka, pour ces tendres moments de repos en lisant tes textes aussi poétiques que morales.
      Au plaisir de te lire et de vous revoir.
      Nous pensons fort à votre petite famille, prenez grand soin de vous.
      Léa

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      1. Tendres pensées et baisers tu écris si bien ce que nous ressentons, en Tous cas ce que je vais aussi! Un vague à l’âme vacante des autores et du reste du monde! Merci ma Belle pour Tous ces moments partagés

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  1. Ton journal est ma dose journalière de sourire et de réflexions sur la vie en général et je tenais à te remercier de nous apporter toute cet bon humeur et cet expérience qu’est votre quotidien à toi et ta famille ! Merci…

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  2. Coucou Hanicka
    Merci beaucoup pour ce clin d’oeil du 1er mai. Moi aussi je t’aime beaucoup, et je suis fière de t’avoir pour amie ❤
    Bakhta

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  3. Ton truc n’est peut-être pas la pâtisserie (😉),mais j’ai dévoré chaque jour tes mots comme un assortiment de petits fours dignes d’un grand pâtissier !…parfois doux et sucrés, parfois laissant un peu d’amertume…parfois surprenants…mais toujours ce délicieux goût de « reviens-y »
    Merci pour ce régal Maître Hanicka !

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