Il y a quelques semaines, je suis retournée sur les traces de mon enfance, le Vaucluse. Au cours d’une balade, je suis allée à Roussilon pour redécouvrir les terres de couleurs.
Roussillon, cité rouge en latin, tire son nom de la couleur rouge de ses terres et de ses maisons. Cette terre est appelée ocre. Ses couleurs sont flamboyantes, allant du jaune clair au rouge foncé, presque violacé. Ses origines se trouvent au fond de la mer, il y a 110 millions d’années, dans une zone aujourd’hui appelée Colorado Provençal.
Après un démarrage lent et progressif, l’industrie de l’ocre apparaît dans le Luberon à partir de 1780. Les terrains sont alors défrichés et les arbres arrachés. La couche de stérile est déblayée. Le contremaître fait exploser les blocs et les sables ocreux sont amenés par tombereaux dans les usines.
Camille Mathieu était l’un de ces ocriers. De son usine, reste aujourd’hui les systèmes de lavage et les moulins, totalement restaurés. Depuis 1994, la coopérative ôkhra y a installé un Conservatoire des ocres et de la couleur, avec un parcours dans l’usine (le lavage, la cuisson, le broyage, le conditionnement et l’expédition) mais aussi ses usages (industriels et artistiques). Des ateliers de mise en pratique sont proposés dans leur centre de formation pour apprendre à fabriquer ses peintures naturelles à base d’ocre.
Une invitation au voyage que je partage avec vous …
Le Colorado provençal ou ocres de Rustrel est un site industriel, puisqu’il fut exploité depuis la fin du XVIIe siècle jusqu’en 1992 où le dernier ocrier prit sa retraite. Le site est situé sur la commune de Rustrel dans le département de Vaucluse et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les paysages insolites qu’il offre sont constitués de sable ocreux d’origine latéritique.
Le Colorado Provençal s’étend sur plus de 30 hectares. Ses sentiers en terre permettent de découvrir des falaises érodées comprenant plus de 24 teintes d’ocre.
La présence de manganèse, d’aluminium et de silicates sont à l’origine d’autres gammes de couleurs et des 24 teintes officiellement recensées, qui vont du gris au vert, en passant par le jaune et le rouge.
L’ensemble ressemble étrangement à certains paysages d’Amérique du Nord. C’est bien là l’origine de l’appellation du site le « Colorado provençal ». Sauf que le Colorado provençal est unique au monde et même outre-Atlantique il n’y a rien de comparable.
L’exploitation des ressources naturelles enfouies dans le sol fut un élément important de l’industrie dans le Luberon. Les ocriers ont creusé le sol à la main pour trouver les pigments. Les sentiers se sont alors formés, suite aux coups de pioches. La nature quant à elle a modelé les chemins et ces monticules rocheux appelés les cheminées de fée. Les premiers sont des voies d’accès et les secondes des pyramides naturelles extraordinaires.
Lors de l’extraction, il est nécessaire de séparer l’ocre, très fine, des impuretés et du sable majoritaires (80 à 90 %). On utilise pour cela de l’eau courante : c’est le procédé de lévigation. Les particules colorantes plus légères sont ensuite filtrées et séchées. Le lavage de l’ocre se faisait à grande eau par pompage. Un courant d’eau entraînait le minerai ocreux dans des batardeaux. Le sable se déposait par gravitation et l’ocre mêlée à l’eau était entraînée vers des bassins de décantation.
Vestige du four à ocre de l’ancienne usine. L’oxyde de fer des ocres crues est un oxyde hydraté (goethite). En chauffant l’ocre de 800 à 900 degrés, l’oxyde de fer se déshydrate et se transforme en hématite. La couleur, ordinairement jaune, devient rouge. La calcination des ocres jaunes ou insuffisamment rouges naturellement, était faite dans le temps par four à bois. Maintenant, celle-ci se fait dans des fours tournants, chauffés au gaz. Après quelques jours de refroidissement, elle est prête à être broyée et ensachée.
Outil de broyage des pigments
Usage des ocres pour teindre les vêtements.
L’usine Mathieu est une ancienne usine de production d’ocre qui a produit environ 1000 tonnes d’ocre par an entre 1921 et 1963. Abandonnée plusieurs années à l’état de friche industrielle, elle se visite depuis 1994. Les systèmes de lavage, le four et les moulins ont été restaurés afin de comprendre les différentes étapes de traitement du minerai, de l’extraction à l’expédition. Cette histoire technique de l’ocre est replacée dans son contexte économique et culturel local et international afin que chacun puisse saisir les enjeux passés, actuels et futurs de ce matériau qui reste un pigment naturel inaltérable et à l’usage séculaire.
Tous les pigments naturels, terres colorantes, ocres jaunes et ocres rouges, oxydes de synthèse pour teinter les badigeons à la chaux, enduits à la chaux, stucs, tadelakt, peintures à l’huile, acrylique, vernis, aquarelle… proviennent des producteurs du monde entier (Vaucluse, Bourgogne, Italie, Chypre, Espagne, Allemagne, Inde, Afrique…). Ils sont vendus dans l’usine d’Ocre Mathieu
Sources bibliographiques : Okhra
C’est magnifique.
(Et une petite coquille : l’industrie de l’ocre a dû démarrer non pas dans les années 1980 mais dans les années 1780 (ou 1880, peut-être ?).
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Merci !
En effet, merci pour votre alerte ! j’ai corrigé 🙂
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